« Les Graines du Figuier Sauvage », une fiction documentaire

Chloé Rêve-Moreau | Les graines du figuier sauvage s’érige comme porte-parole d’un espoir d’émancipation pour les femmes iraniennes. Avec son dernier film, Mohammad Rasoulof met en lumière la situation socio-politique iranienne vécue de l’intérieur. Retour sur le contexte dans lequel ce film a été réalisé. 

Le film met en scène un foyer iranien dans son quotidien, dont l’équilibre va être impacté par les agitations extérieures, alors que le père, Iman, vient d’être nommé juge d’instruction. Tandis que son épouse, Najmeh, perçoit la promotion de son époux comme le début d’une ascension sociale, ses filles Rezvan et Sana vont être en proie à de nombreux doutes quant à la notion de justice instaurée par leur patriarche. Une telle charge impliquant des menaces, Iman recevra une arme de fonction afin de veiller à la sécurité de sa famille, arme qui disparaîtra au sein du foyer même.

Mohammad Rasoulof parvient à condenser l’insurrection des militants face au système répressif sous un même toit, déchiré entre oppresseur et opprimé(e)s. De l’élément déclencheur plongeant le père dans une angoisse paranoïaque, presque délirante, naîtra une force nouvelle ; celle d’une sororité salvatrice.

« C’était l’Iran ou le cinéma »

Bien décidé à continuer de réaliser des films engagés, Mohammad Rasoulof s’est vu obligé de quitter son pays natal pour fuir la répression et évite la censure. Après un long périple à pied de 28 jours dans les montagnes, le réalisateur va s’exiler en Allemagne où il obtiendra le statut de réfugié afin de présenter son film au festival de Cannes où il recevra le Prix Spécial du Jury. 

Femme, Vie, Liberté 

Slogan revendiqué par les manifestantes lors des révoltes iraniennes suite à la mort de Mahsa Amini, décédée à cause d’une hémorragie intracérébrale, provoquée par des violences de la police des mœurs iraniennes pour « port de vêtements inappropriés ». Bien que l’autorité ait objecté cette version, cet évènement va initier une véritable révolution libérant la voix des femmes, bien décidées à exprimer leur colère depuis trop longtemps réfrénée. Une liberté médiatique s’impose également via les réseaux sociaux où un grand nombre de vidéos amatrices sont diffusées et relayées, limitant ainsi le gouvernement répressif dans leur censure et leur contrôle sur l’information à l’internationale. Le réalisateur a décidé d’insérer plusieurs de ces extraits à son film en hommage à ces jeunes femmes et jeunes hommes prêts à se faire entendre, mélangeant fiction et réalité à titre quasiment documentaire.

Photo par Nicole Rêve-Moreau

Un tournage à risque

Ayant déjà été emprisonné pendant deux ans pour son film Un Homme Intègre paru en 2017, Mohammad Rasoulof a continué de respecter son engagement militant malgré les proscriptions du gouvernement iranien. Dans une interview pour le média Konbini, il explique que le scénario de son film lui est venu d’une discussion avec un fonctionnaire lorsqu’il était emprisonné, lui ayant confié sa honte de travailler pour un système oppressif, ne sachant quoi répondre aux inquiétudes de ses enfants à propos des soulèvements ayant lieux dans tout le pays.

Par précautions l’entièreté du film a donc été filmée dans la clandestinité pendant 3 mois avec parfois des interruptions garantissant une certaine discrétion. Le décor de la prison a été restitué en studio depuis les souvenirs de Mohammad Rasoulof, habitué à y faire plusieurs allers-retours, la caméra jamais trop visible et les acteurs toujours plus précautionneux, a confié le réalisateur lors d’une entrevue pour Arte.

Affiche officielle du film, source: Pyramide films

Laisser un commentaire