Avant propos : Les lignes qui suivent ne font pas parties d’un article journalistique qui relate et analyse des faits ou des données mais appartiennent à un article d’opinion basé sur un avis qui est entièrement subjectif et n’engage que l’auteur. Les données sont cependant sourcées et sont compilées dans la partie bibliographie
Rédigé le 07/11/2024
Que le sentiment exprimé soit la déception voire la tristesse ou alors la joie -souvent assumée à demi-mot-, la société française, comme à chaque élection américaine, se l’est grandement appropriée pour en faire sienne. Chaque citoyen français lambda a un avis souvent très tranché et beaucoup se sont réveillés ce matin avec comme première envie de se libérer de ce suspens insoutenable. Les réactions ne se sont pas fait attendre avec des milliers de tweets, exagérant à peine la réaction. A croire que Donald Trump allait diriger l’Hexagone et faire ses nuits à l’Elysée. Cependant, il faut à mon sens relativiser, prendre du recul et respecter quelques règles pour regarder et commenter les élections du pays de l’Oncle Sam sans prise de tête.

Attaquer oui, au bon endroit c’est mieux
Les premières réactions partagées via les médias sociaux ou sur le parvis de la Sorbonne-Nouvelle sont souvent à l’encontre des américains plus qu’envers le 45ème et 47ème président des Etats-Unis d’Amérique. “Les Américains sont totalement cons” ou “les Américains sont des cons incultes et la vie ne leur apprend rien” lit-on depuis maintenant 24 heures sur X (anciennement Twitter). Le français moyen a pour habitude de se déclarer expert après chaque événement quel qu’il soit. Cela n’a pas manqué et aujourd’hui à pullulé un nombre impressionnant d’experts en géopolitique et en politique intérieure américaine.
Il est vrai que Donald Trump traîne bien plus d’une casserole derrière lui et le tragique événement de l’assaut du Capitole, symbole de la démocratie américaine auraient dû anesthésier l’envie de choisir le bulletin Trump/Vance a un bon nombre de citoyens américain. Mais ici, les propos ne sont pas tournés vers les politiques de l’ancienne administration Trump ou de ses déboires personnels avec la justice mais contre un peuple souverain qui a exercé son droit d’expression sur son territoire à travers les urnes ce mardi 5 novembre 2024. En effet, que connaissons nous réellement des Etats-Unis derrière notre vie paisible dans la Ville Lumière, bien plus préoccupé à trouver une chouette terrasse où boire une bière qu’à étudier la santé économique des Etats-Unis ? Pour les plus chanceux d’entre nous, un voyage à New York ou à Los Angeles nous a ouvert les yeux sur ce pays rempli de démesure et de contradiction. Malheureusement, bien souvent 95% du territoire passe à la trappe et ce sont souvent ces Etats qui votent majoritairement Trump. Fort est à parier que peu de français savent placer avec exactitude l’État du Wyoming ou l’Iowa sur la carte des Etats-Unis. Il paraît donc peu légitime de juger le choix de ces résidents et leurs capacité à faire un choix juste et éclairé alors que nous ne connaissons rien des réalités vécues sur ces territoires. Dans ces zones reculées, la pauvreté est omniprésente, souvent oubliée par les mégapoles et les médias traditionnels des côtes. Il apparaît qu’il est de plus en plus difficile de survivre en étant pauvre dans la première puissance mondiale avec ce sentiment grandissant “de ne plus exister”(1) auprès des plus précaires. Le vote Trump peut alors bien plus s’apparenter à un vote de contestation qu’à un vote d’adhésion.
Les Latinos, parfait bouc hemissaire
Interdites chez nous, les statistiques ethniques chez nos amis outre-atlantique sont reines. Elles constituent un vivier d’informations essentielles pour l’analyse des résultats électoraux tant pour les médias que pour les forces politiques présentes. A notre échelle et sur nos connaissances générales bien que trop limitées, elles nous permettent simplement d’observer quel électorat a été séduit par quel programme/personnalité. Notons tout de même que ses résultats sont fait à partir de sondage a la sortie des urnes et que, comme pour les sondages précédant l’élection, le vote Trump/Vance est souvent sous-estimé a cause d’une frange de la population qui n’assume pas directement son vote. Un sondage fait par l’institut Edison Research montre que la communauté Latinos (citoyens americains ayant des origines centro-américaine ou sud-américaine) a offert 45% de ses voix au milliardaire(2). Si l’on se rapporte aux élections précédentes, c’est 7 à 10 points supplémentaires par rapport à 2020 et 15 points par rapport à l’élection 2016. Cette communauté, première minorité ethnique aux Etats-Unis avec ses 65 millions de personnes est devenue un électorat clé au fil des années. Alors, quelle pourrait être la raison de ce vote ? Il paraît encore plus incompréhensible qu’une semaine auparavant, l’humoriste texan et fervent partisan de Trump, Tony Hinchcliffe, avait déclaré que Puerto Rico (île américaine majoritairement hispanophone) était « une île flottante d’ordures »(3). Pour certains, l’argument tout trouvé et le plus simple serait qu’ils portent en eux une certaine misogynie et qu’ils ne peuvent pas voter pour une femme. Cet argument, que j’ai moi même entendu lors d’un débat en classe et lu sur les réseaux sociaux, me paraît absurde. Il est tout à fait probable qu’une petite partie de cette communauté ait voté pour Trump par misogynie, mais cela ne justifie pas qu’une si grande communauté ait voté contre ses supposés propres intérêts par simple fait de misogynie. De plus cet argument est souvent portés par des groupes féministes/anti-raciste. Il est donc etonnant de voir cet arguments s’entretenir dans ces groupes sachant que choisir un groupe ethnique ou religieux (dans notre cas les Latinos) pour lui coller sur le dos des tors généralisé (dans notre cas la misogynie) peut s’apparenter très clairement a du racisme et a du mépris. Enfin, l’argument de la misogynie ne tient pas réellement la route car rappelons que Hillary Clinton a su faire d’excellents résultats auprès de cette communauté avec 66 % des voix contre seulement 30 % pour Trump en 2016(4). A mon sens, il me paraît bien plus intéressant de regarder quels sont les Latinos qui ont voté pour Trump. Pour beaucoup ce sont des immigrés de seconde voire très souvent de troisième génération, qui sont nés et ont grandi aux Etats-Unis. Vivant majoritairement dans des Etats plus pauvres ou dans les banlieues précaires des grands pôles urbains américains, ils travaillent pour la plupart en tant qu’ouvriers dans des usines. Ils sont a cela plus sensible sur l’augmentation du coût de la vie et les questions migratoires qui pourrait rendre un marché du travail déjà sous tension encore plus difficile. Roberto Suro, professeur à USC Annenberg et journaliste au NY Time explique que les « électeurs Latinos – citoyens américains – voteront pour des politiques d’immigration sévères, voire xénophobes»(5) quitte a s’opposer fermement à l’immigration d’ou ils sont eux même issu.
Conclusion
Les élections américaines ont montré une Amérique divisée plus que jamais, où le dialogue est de plus en plus difficile voir dans certains cas impossible. On se retrouve avec “un parti démocrate qui blanchit, et un parti républicain qui se colore, avec davantage d’électeurs issus des minorités”(6) selon Solveig Godeluck comme le montre la légère progression de Trump auprès des Afro-Américain. Bien qu’il soit encore trop tôt pour analyser réellement ces élections américaines, le véritable travail de recherche qu’il faudra faire se portera bien plus sur la raison de l’échec du parti démocrate avec Harris/Walz que sur la victoire de Trump qui aurait pu être mis facilement en difficulté. Cette cassure se retrouve aujourd’hui dans la société française ou la société est bien plus divisée qu’auparavant et ou les extrêmes, de n’importe quel bord, ferment les dialogues encore possible. Au final, les grands perdants de ces élections sont sûrement les droits des femmes américaines avec la mise aux oubliettes de la protection fédérale du droit à l’IVG, l’Europe qui devra sûrement compter un peu plus sur elle-même face à une Amérique moins coopérative sur le plan économique et militaire et le climat qui devra attendre encore un peu.
Références
- 1) Présidentielle américaine : dans l’État le plus pauvre des États-Unis, le débat entre trumpistes et démocrates toujours plus tendu, Vincent Serrano, RTL
- 2) Présidentielle américaine : comment Donald Trump a réalisé une percée au sein de l’électorat latino masculin, Léo Aguesse, LeParisien
- 3) Backlash after comedian at Trump rally calls Puerto Rico ‘island of garbage’, Phil McCausland/Christal Hayes, BBC, traduction par l’auteur
- 4) 2016 United States presidential election, Wikipédia, traduction par l’auteur
- 5) Election américaine 2024 : Comment Kamala Harris a-t-elle pu perdre le vote des latinos ?, 20 minutes
- 6) Présidentielle américaine : pourquoi Trump a conquis des voix dans les minorités noire et latino, Solveig Godeluck, LesEchos
Bibliographie :
Latinos USA : les Hispaniques dans la société américaine au début du xxie siècle, Isabelle Vagnoux, Cahier des Amériques Latines, volume 2008/3
The Latino vote in the 2016 presidential election, Mark Hugo Lopez , Ana Gonzalez-Barrera , Jens Manuel Krogstad et Gustavo López, PewResearchCenter
Latino Male Voters Shift Toward Trump in 2024 Election, EdisonResearch
Vote hispanique et noir, femmes, jeunes, catholiques : ces électorats qui ont fait gagner Donald Trump, Hugues Maillot, LeFigaro
