La Vraie Histoire de Zamor : de page royale à révolutionnaire oublié

Céline Mourão | Si vous avez vu le film Madame du Barry de Maïwenn, vous avez sans doute remarqué un personnage secondaire nommé Zamor. Acheté et offert à la maîtresse royale de Louis XV. Venez découvrir sa vie d’enfant esclave à celle de partisan de la Révolution

Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty, Madame du Barry and the Page Zamore, Huile sur toile, Fin XVIIIe siècle, Museu Calouste Gulbenkian
Vanitifair © Stéphanie Branchu

« Madame du Barry » a été le film d’ouverture du festival de Cannes 2023 marqué par le retour équivoque de Johnny Depp. Maïwenn dépeint la vie de Jeanne Bécu, une roturière libertine, parvenant à Versailles en devenant la favorite du roi Louis XV (de 1768 à 1774), le grand-père de Louis XVI, décapité le 21 janvier 1793. Zamor interprété par Ibrahim Yaffa (enfant) et par Djibril Djimo (adulte), apparaît pour la première fois lors d’un dîner auquel le Roi de France offre à sa favorite un « négrillon ». À cette époque, posséder un esclave était un moyen d’exhiber sa richesse, tout en participant à un imaginaire de fantasme exotique.

Qui était Zamor et quel était son rôle à la cour Royale ?
Portrait de Zamor par Drouais, d’Arte “Le “négrillon » de Versailles”

Madame du Barry nomma probablement Zamor en référence à Zamore, le souverain indigène de la tragédie Alzire, ou les Américains de Voltaire, représentée pour la première fois en 1736, pour évoquer son exotisme, sa résistance et son lien avec la noblesse. Selon l’historien Charles Vatel, Zamor était un esclave enlevé à l’âge de quatre ans à sa famille. Appartenant à la catégorie des négrillons, les enfants esclaves, Zamor a été vendu pour 800 livres coloniaux, ce qui équivaut aujourd’hui à environ 6 000 euros.

Né probablement en 1762 à Chittagong au Bangladesh, il serait arrivé en France via le trafic d’esclaves à Madagascar. Louis Benoit Zamor reçoit à environ dix ans le sacrement du baptême à l’église Notre-Dame de Versailles en 1772. Sur son extrait de baptême, il est souligné qu’il est « attaché » à Madame du Barry, autrement dit Zamor était le serviteur de la favorite. Madame du Barry lui a donné une éducation, notamment en lui apprenant à lire. Ce qui lui a permis de s’instruire, mais aussi de découvrir les idées des Lumières. 

En observant les relevés de compte de la maîtresse royale, nous apprenons qu’elle dépensa de nombreuses sommes pour habiller son serviteur avec de luxueux tailleurs. Madame Du Barry lui acheta des bonnets à plumes, pour exhiber à la cour ses origines « exotiques  ». De même, elle a commandé un portrait de Zamor, à l’un des peintres les plus en vogue, Jean-François Drouais.

La vie de Zamor après Versailles

Il nous reste très peu d’informations concernant la vie de Zamor. En mai 1774, après la mort du roi Louis XV, madame du Barry et Zamor quittent la cour pour le château de Louvecienne jusqu’en 1793. Zamor fréquente les révolutionnaires à partir de 1789 au club des Jacobins qui prônent des idées égalitaires et de liberté. 

La Terreur s’installe en France et Madame du Barry est arrêtée le 22 septembre 1793. Puis, elle compare au Tribunal révolutionnaire, l’accusant d’avoir conspiré contre la République. Jean-Charles Salanave, John Grieve et Zamor tirent parti pour piller le château de l’ancienne maîtresse du roi, pour ensuite, lors du procès, dénoncer du Barry d’avoir fréquenté des monarchistes, tout en soulignant qu’elle n’était pas patriote. Madame du Barry est condamnée à mort, puis guillotinée un jour plus tard, le 8 décembre 1793.

Zamor est ensuite arrêté à cause de son profil « très suspect », pour avoir été proche de la cour et des royalistes, et à cause de ses dénonciations contradictoires. Malgré tout, il parvient à échapper à l’échafaud. Grâce à ces proches et amis révolutionnaires qui louent, dans de nombreuses lettres, les souffrances qu’il a vécues et son parcours de vie. 

Zamor aurait été instituteur. Il meurt dans l’indifférence et la pauvreté à Paris le 7 février 1820, après s’être exilé, jusqu’à la chute de Napoléon Bonaparte en 1815. Sa dépouille est déposée dans la fosse commune, et aujourd’hui ses restes sont inhumés au cimetière Vaugirard à Paris.

Vanitifair © Stéphanie Branchu

Si vous ne l’avez toujours pas vue, installez-vous dans votre canapé pour découvrir l’histoire de Madame du Barry aux côtés de son page royale, Zamor, et de l’un des derniers Rois de France arborant un accent américain.

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