Moon | Avec les élections présidentielles américaines et l’élection de Donald Trump, vous avez sûrement entendu parler du mouvement 4B sur les réseaux sociaux. Mais qu’est-ce que c’est exactement ? D’où vient-il, quelle est son origine, et quel est son objectif ?

Ayant le taux de fécondité le plus bas du monde, la Corée du Sud fait face à une crise démographique complexe dans un contexte de “conflit” des genres, où le mariage et la maternité sont devenus des enjeux politiques. En réponse aux politiques natalistes du gouvernement sud-coréen et à la précarité économique croissante des jeunes, les féministes du pays ont lancé le mouvement 4B, un mouvement radical contre les attentes patriarcales et conservatrices imposées aux femmes.
Le mouvement 4B émerge en 2017 suite au féminicide de la station Gangnam (2016). “4B” représente quatre engagements de vie que les femmes qui s’y identifient doivent respecter, chacun prononcé “bihon”, “bichulsan” “biyeonae” et enfin “bisekseu”. Chacun signifie dire non au mariage avec les hommes, à accoucher avec les hommes, aux relations amoureuses avec les hommes et aux rapport sexuels avec les hommes. Les participantes rejoignent le mouvement dans l’objectif de “démanteler” et “échapper” au patriarcat.
Say no to disrespect. Graphic representing the uniting of women across the world against mistreatment from men.
Pour comprendre la position intransigeante des militantes du mouvement 4B, il est essentiel de connaître les rapports de pouvoir entre les genres dans la société coréenne. La structure du genre en corée peut-être classée en trois catégories: la déshumanisation, l’exclusion et l’exploitation des femmes. Le pouvoir défini comme “ la capacité d’imposer sa propre volonté au comportement des autres” (Économie et Société, Weber, 1922). Ici, dans le contexte du mouvement 4B, le “pouvoir” est une notion qui est oppressive. Le pouvoir, dans la société coréenne que ce soit sous forme de misogynie, de discrimination et d’harcèlement sexuelle, ou des normes de genres, empêche les femmes d’êtres elles-mêmes et de de créer la société qu’elles souhaitent. Elles rejoignent ainsi le mouvement car elles veulent vivre tout simplement comme des humains. Mais on peut se demander, qu’entendent-elles par vouloir vivre comme un humain, alors qu’elles existent déjà en tant qu’être humains? Vivre en tant qu’être humain signifie vivre dans dignité, vivre sans peur, vivre en liberté.
Or, une étude gouvernementale de 2015 en Corée du Sud, menée par le Ministère de l’égalité entre les sexe et la famille, a révèlé que près de 80% des femmes coréennes sont victimes de harcèlement sexuel au travail. Il met en lumière un climat où le respect des droits et de la dignité des femmes est insuffisant , voire inexistant. Cette déshumanisation s’étend au quotidien à travers des violences telles que la violence domestique, le harcèlement en ligne et des crimes spécifiques comme la « molka », une forme perverse de voyeurisme où des caméras cachées filment des femmes à leur insu dans leur intimité sans leur consentement , pour diffuser les images sur internet. Ces agressions symbolisent une culture dans laquelle les femmes sont traitées comme des objets de consommation, soumise au désir masculin. Cette déshumanisation va au-delà de leur objectification et des violences qu’elles subissent: elle contribue également à leur exclusion sociale et professionnelle.
En Corée du Sud, les femmes qui refusent les rôles de genres traditionnels subissent une exclusion marquée, tant dans le cercle familial que dans les espaces politiques. Ce biais genré entrave leur accès au pouvoir politique et les hommes participent activement au maintien du statu quo plutôt qu’à sa remise en question. Ainsi, en 2023, elles représentaient seulement 19% du parlement avec seulement 16,7% des ministres comme femme plaçant le pays au 121e rang mondial en termes d’opportunité et de participation économique des femmes. Cette sous-représentation témoigne l’exclusion des femmes des postes de pouvoir, freinant ainsi les avancées pour les droits des femmes et des réformes sociales en Corée du Sud. Cette exclusion systématique les place dans une position de vulnérabilité, ce qui favorise leur exploitation par les hommes.
L’exploitation des femmes s’opère majoritairement sur le plan sexuel et économique . Sur le plan sexuel, les hommes parviennent à obtenir des relations sexuelles par une pression constante, sans offrir en retour ce que leur partenaire souhaite, à savoir une intimité émotionnelle stable. Ils prioritisent leur propre désir (par exemple, des rapports non protégés) au détriment de la santé des femme, c’est-à-dire des risques de maladies sexuellement transmissible ou encore de grossesse. Quant au plan économique, en Corée du Sud, les femmes gagnent en moyenne 31% de moins que leurs collègues masculins, un écart de rémunération qui les pénalise à la fois lorsqu’elles sont célibataires et lorsqu’elles choisissent de devenir mère.
La société coréenne transmet constamment l’idée que les femmes ne sont pas les bienvenues en les objectivant, marginalisant et exploitant dès leur plus jeûne âge. Que ce soit à travers des standards de beauté de plus en plus absurdes ou la montée des violences domestiques et sexuelles, les femmes subissent des pressions intenses et déshumanisantes. Face à ces injustices, leur aspiration de vivre en tant qu’ être humain dans dans une société libérée de l’oppression masculine apparaît non seulement légitime, mais également nécessaire pour construire un avenir plus égalitaire et respectueux de l’humanité de chacun.
Dans une société patriarcale, hétérosexuelle où la romance, le mariage et la maternité sont attendus des femmes, le mouvement 4B est une déclaration selon laquelle elles souhaitent enfin vivre pour elles-mêmes, non pour leur mari, ni pour leurs enfants. C’est une affirmation de vouloir vivre pleinement en tant qu’elle-même, et non comme un outil, comme une réserve. Le mouvement vise donc à laisser les hommes de côté, et encourage les femmes à vivre avec d’autres femmes en communauté dans la dignité. C’est un mouvement destiné à tout le monde: à vous, à la société, et aux jeunes filles qui nous observent ou lisent.

trop intéressant, j’aime trop vraiment !