Exposition « Tarsila do Amaral : Peindre le Brésil Moderne » au musée du Luxembourg – Le Brésil par les coups de pinceaux de Tarsila do Amaral

Céline MOURÃO | Le musée du Luxembourg a présenté pour la première fois une artiste brésilienne, Tarsila do Amaral, avec une exposition nommée : Tarsila do Amaral. Peindre le Brésil moderne. Dans une rétrospective de 150 œuvres teintées d’avant-gardisme et de politique.

Avant d’explorer cette exposition, découvrons Tarsila do Amaral (1886-1973) :

Crédit photo : Céline Mourão

Tarsila do Amaral, née en 1886 dans l’État de São Paulo plus précisément dans la Fazenda São Bernado, un domaine agricole appartenant à sa famille, producteurs de café, dont elle devient héritière. Issue d’une riche famille paulista (originaire de São Paulo) de producteurs de café, elle eut l’opportunité d’ouvrir son esprit dès son plus jeune âge à l’apprentissage du français, à la lecture, à l’écriture et aux leçons de piano. Dans un pays dans lequel le taux d’alphabétisation à la fin du XIXe siècle était limité à 20%, cela témoigne du privilège dans lequel elle a vécu.

Lorsque Tarsila do Amaral avait trois ans, la Loi d’or (Lei Áurea) fut signée par la Princesse Isabelle du Brésil pour proclamer la fin de l’esclavagisme. Cette loi fut l’un des derniers actes de la monarchie brésilienne et le marqueur de son déclin avant la proclamation de la République en 1889. En libérant les esclaves, les propriétaires des fazendas le ressentaient comme une trahison, pesant sur l’économie du pays et la stabilité sociale.

Elle complète ses études en allant en Europe, notamment à Barcelone en Espagne. Mais aussi en 1920 à Paris dans l’Académie Julian et Moderne où elle assiste à des cours aux côtés d’Albert Gleizes ou bien d’André Lhote. Au fil de cette exposition, vous découvrirez Tarsila do Amaral, une artiste moderniste qui, aux travers de ses peintures, diffuse l’expression du nationalisme brésilien via de profus mouvements artistiques.

“Tupi or Not Tupi” that is the question :

Crédit photo: Céline Mourão

Le début de l’impact de Tarsila do Amaral débute avec le Grupo dos Cincos (le Groupe des Cinq) composé, comme le souligne le nom, de cinq artistes dont deux peintres parmi Anita Malfatti. Ainsi que trois hommes, écrivains et journalistes qui ont permis de diffuser les idées artistiques du modernisme brésilien de 1922 à 1929. C’est lors de cette période qu’ils initient cette recherche identitaire avec la Semana de Arte Moderna (la Semaine de l’Art Moderne) du 13 au 17 février 1922 qui fait une rupture avec le romantisme brésilien qui se base entièrement sur ce qu’il se faisait en Europe. Lors de cette révolte créative, chaque artiste affirme à sa façon l’esthétique nationale et la singularité du Brésil.

On observe cela dans l’exposition avec les dessins du manifeste Anthropophage d’ Oswald de Andrade, membre du Grupo dos Cincos et époux de Tarsila de 1926 à 1929. Dans ce dessin, on observe un homme, ABAPORU, qui se traduit par ABA homme PORU « celui qui mange » en tupi-guarani, l’une des 274 langues autochtones du Brésil. Ce personnage peut-être un symbole de résistance et une métaphore des racines du peuple brésilien face à l’influence de la culture et de l’art occidentale omniprésent dans l’art brésilien jusqu’à la fin XIXe siècle. Oswald de Andrade reprend la fameuse citation de Shakespeare, To be or not to be de la pièce Hamlet, pour poser la question suivante à ses lecteurs brésiliens : Faut-il que nos racines autochtones se fassent engloutir par la culture occidentale ?

Batizado de MacunaímaLe baptême de Macunaíma, 1956, Tarsila do Amaral 
Crédit photo: Céline Mourão

Même après la période d’introduction du modernisme au Brésil, Tarsila do Amaral continue ce devoir en exprimant l’identité brésilienne en reproduisant le baptême du héros de l’ouvrage Macunaíma de Mario de Andrade publié en 1928. Cette peinture est un symbole de légitimation de ce personnage comme représentant de l’identité brésilienne. Cette épopée est  un texte fondateur du modernisme, retraçant la vie de ce personnage incarnant les trois races du Brésil : l’indigène, l’européen et l’africain. Ce texte renversa les normes littéraires, faisant voyager cet antihéros au travers des folklores du Brésil.

Une artiste engagée à l’échelle internationale

En 1931, Tarsila part en URSS pour une exposition au musée national de l’Art moderne occidental. Suite à ce voyage, elle fut grandement affectée par la pauvreté des ouvriers et décida de l’immortaliser avec un groupe d’ouvriers du Brésil. Ce tableau est nommé Operários (Ouvriers) réalisé en 1933 que vous découvrirez dans cette exposition. Cette peinture est aujourd’hui considérée comme une ode à la diversité brésilienne.

Crédit photo: Céline Mourão

L’année suivante, elle est perçue comme étant une ennemie de l’État en rentrant au Brésil de son voyage en URSS et en participant à des réunions liées à des mouvances politiques de gauche et finit emprisonnée.

Crédit photo: Céline Mourão
Crédit photo: Céline Mourão

À la fin de sa carrière, Tarsila do Amaral s’est concentrée sur des thèmes sociaux, mais elle n’a pas uniquement peint sur l’identité du Brésil ou bien sur des peuples opprimés. Vous pourrez découvrir cela lors de sa rétrospective où vous retrouverez des croquis, dessins et peintures, qui aura lieu jusqu’au 2 février au Musée du Luxembourg. Si vous n’avez pas cette chance, décollez pour l’Espagne à Bilbao où cette exposition sera présentée du 21 février jusqu’au 1er juin 2025.

Surtout, si vous aimez les couleurs, les formes cubiques, délirantes ou bien la nature, ne vous posez pas de question et venez découvrir Tarsila do Amaral !

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