Prison, amendes, inéligibilité : le RN dans la tourmente judiciaire

Marine Le Pen, le 31 mars 2025.Thibault Camus/Ap/SIPA

Isnel TAGBO | Le lundi 31 mars 2025, la 11e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a refermé un chapitre explosif de l’histoire politique française. Au cœur du dossier : une pratique aussi vieille que les institutions européennes elles-mêmes — celle des assistants parlementaires… un peu trop polyvalents. Résultat : Marine Le Pen, figure centrale de l’extrême droite française, a été condamnée à quatre ans de prison (dont deux fermes aménageables sous bracelet électronique), à 100 000 euros d’amende et, surtout, à cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat.

C’est une première judiciaire, et potentiellement une dernière présidentielle. La triple candidate à l’Élysée, donnée à nouveau favorite dans les sondages, est de facto écartée de la course à 2027. Le coup est rude — pour elle, pour son parti, et pour l’ensemble d’un échiquier politique qui s’était habitué à la voir en finale.

Mais derrière la sentence spectaculaire, il y a une affaire longue, méthodique, patiente. Un chantier judiciaire ouvert depuis plus de dix ans, un enchevêtrement de contrats, d’organigrammes douteux, de courriels accablants, et de lignes de défense parfois plus souples que les règles de Bruxelles.

Entre stratégie d’économie interne, exploitation abusive de fonds publics et rhétorique de persécution politique, ce procès dépasse la seule personne de Marine Le Pen. Il questionne aussi l’usage de l’argent public européen, la structure même des partis antisystème et la solidité des institutions face à la défiance populiste.

Retour sur une affaire tentaculaire qui pourrait bien rebattre les cartes de l’extrême droite française — et, pourquoi pas, du calendrier politique tout entier.

Les origines de l’affaire

Marine Le Pen, le 31 mars 2025.Thibault Camus/Ap/SIPA

Tout commence, comme souvent dans ce genre d’histoires, par une dénonciation anonyme. Juin 2014. À peine les élections européennes passées — qui ont vu vingt-quatre députés frontistes faire leur entrée au Parlement européen — l’OLAF, l’Office européen de lutte antifraude, reçoit un signalement. L’objet : les conditions d’emploi des assistants parlementaires de Marine Le Pen, eurodéputée aguerrie depuis dix ans. Les premières pièces du puzzle judiciaire viennent de tomber.

Rapidement, les enquêteurs découvrent un curieux organigramme interne du Front national (devenu depuis Rassemblement national), publié au printemps 2015. Surprise : plusieurs assistants parlementaires y apparaissent comme occupant des postes stratégiques au sein du parti. Officiellement payés pour épauler des eurodéputés à Bruxelles ou Strasbourg, ils semblent surtout passer leur temps… au siège du FN, à Nanterre.

Parmi eux, des profils emblématiques. Catherine Griset, proche intime de Marine Le Pen, est officiellement son assistante parlementaire depuis 2010. Dans les faits, elle est aussi sa cheffe de cabinet à Paris. Thierry Légier, l’ancien assistant de Le Pen père en 2009, était surtout son garde du corps attitré. Charles Hourcade, assistant d’une autre élue FN, œuvrait quant à lui comme graphiste pour le parti.

En coulisses, la logique est limpide : chaque eurodéputé dispose d’une enveloppe de 21 000 euros par mois pour salarier ses assistants. L’accusation estime que le parti a “mutualisé” ces crédits pour salarier des cadres du RN, économisant ainsi sur ses propres finances internes. Un montage simple, mais efficace. Et, selon la justice, frauduleux.

Ce que les magistrats vont bientôt qualifier de « système » s’ancre dans une réalité financière : à l’époque, le Front national est criblé de dettes, au bord de l’asphyxie budgétaire. Dans une lettre saisie par les enquêteurs, le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, écrit à Marine Le Pen dès juin 2014 : “Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen.” Le ton est donné.

En 2016, l’enquête française est confiée à deux juges d’instruction. Au fil des auditions, perquisitions et expertises, l’affaire s’élargit. On ne parle plus de simples erreurs administratives, mais d’une stratégie organisée de financement illégal du parti via les fonds européens. Une forme de mécénat institutionnel… involontaire.

En tout, ce sont 6,8 millions d’euros de préjudice estimé entre 2009 et 2017. Le Parlement européen, partie civile dans le procès, parle d’un “préjudice démocratique” et d’un détournement de ressources publiques à des fins partisanes. Une version que le RN réfute avec constance : selon Marine Le Pen, ses assistants ne travaillaient pas pour le Parlement, mais avec elle — dans une logique, dit-elle, “éminemment politique”.

Mais dans cette affaire, comme souvent, c’est le tribunal qui tranche les définitions. Et pour la justice française, la frontière entre militantisme politique et mission publique était, dans ce cas précis, allègrement franchie.

Le procès et les décisions

 Croquis réalisé lors de l’ouverture du procès le 30 septembre. Benoit PEYRUCQ/AFP

Le 31 mars 2025, après plus de dix ans d’enquête, d’instruction et de joutes procédurales, le jugement tombe enfin. Dans une salle d’audience pleine à craquer, sur fond de caméras, de micros tendus et de tweets en rafale, la 11e chambre correctionnelle de Paris rend son verdict : Marine Le Pen est reconnue coupable de détournement de fonds publics à hauteur de 474 000 euros.

La peine est lourde : quatre ans de prison, dont deux fermes aménageables sous bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et, surtout, cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. En d’autres termes : même si elle fait appel — ce qu’elle annonce aussitôt —, elle ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2027. Une exclusion directe, sans délai de grâce.

Mais Marine Le Pen n’est pas seule sur le banc des condamnés. Vingt-trois autres prévenus sont reconnus coupables, avec des peines allant de six mois de prison avec sursis à trois ans ferme, parfois accompagnées d’inéligibilités. Le cortège de noms a des allures d’album de famille politique : Catherine Griset (douze mois avec sursis, deux ans d’inéligibilité), Wallerand de Saint-Just (trois ans de prison dont un ferme, bracelet électronique, trois ans d’inéligibilité), Julien Odoul, Thierry Légier, Yann Le Pen, et bien d’autres.

Le Rassemblement national, lui aussi jugé comme personne morale, n’échappe pas à la sentence : 2 millions d’euros d’amende, dont 1 million ferme, ainsi que la confiscation d’1 million d’euros saisis pendant l’instruction. Un coup dur pour un parti qui, malgré ses succès électoraux récents, reste sous pression financière constante.

Le jugement va plus loin qu’une simple condamnation comptable : il qualifie le montage mis en place de “système organisé de détournement”, dont Marine Le Pen aurait été l’une des principales architectes. Les juges balaient la ligne de défense sur la “politisation légitime” des assistants parlementaires. Pour eux, il ne s’agissait pas de mission politique, mais de faux emplois, avec des contrats “dépourvus d’objet réel”.

Le tribunal rejette aussi l’argument — pourtant répété à l’envi par la défense — d’une « mutualisation du travail » entre eurodéputés. Ce qu’il constate, c’est la mutualisation… des enveloppes. En clair, une rationalisation des ressources pour financer le parti, pas le travail parlementaire. Et donc, un détournement de fonds publics.

Marine Le Pen, restée silencieuse à l’énoncé du jugement, quitte le tribunal sans un mot. Quelques heures plus tard, son avocat confirme l’appel. Mais l’essentiel est acté : l’inéligibilité est exécutoire dès aujourd’hui. L’effet de sidération est immédiat — chez ses adversaires comme dans son propre camp.

Dans la bouche de certains, on parle déjà d’un « tournant judiciaire majeur ». Dans celle d’autres, d’un « coup d’État judiciaire ». Comme souvent, c’est à la justice que l’on reproche de faire… de la politique. 

Une condamnation à fort impact politique

 Marine Le Pen à l’Assemblée nationale, mardi 1er avril. (Michel Euler/AP)

Ce n’est pas simplement une condamnation pénale. C’est un séisme dans le paysage politique français. Avec sa peine d’inéligibilité de cinq ans assortie de l’exécution provisoire, Marine Le Pen se retrouve écartée de toutes les élections à venir, y compris la présidentielle de 2027, à laquelle elle se préparait déjà en coulisses.

En apparence, tout reste possible : elle conserve son mandat actuel de députée du Pas-de-Calais (puisqu’il est en cours), elle peut faire appel, aller en cassation, voire — en théorie — demander une grâce présidentielle. Mais dans les faits, l’obstacle est monumental. L’appel, même s’il est rapide, ne sera probablement pas tranché avant l’été 2026, trop tard pour bâtir une campagne sérieuse. La cassation, elle, prendrait encore plusieurs mois. Quant à la grâce présidentielle, elle semble aussi probable qu’un ralliement de Marine Le Pen à la NUPES.

L’effet immédiat du jugement, c’est donc la disqualification politique. Une forme d’exfiltration judiciaire de la figure centrale de l’extrême droite française. Le RN perd sa candidate naturelle, celle qui cumulait notoriété, expérience, et capital électoral. En interne, c’est la consternation. En externe, c’est un vide stratégique qui s’ouvre.

Mais plus encore que l’élection présidentielle, c’est le tempo politique du Rassemblement national qui est désorganisé. Toute la mécanique de préparation à 2027 — positionnement, alliances, montée en puissance de Bardella — repose sur une certitude : celle d’un quatrième round Le Pen–Élysée. Or cette équation s’effondre en quelques heures.

Et pour ajouter à la complexité, le jugement a aussi des effets différenciés sur les autres figures du parti. Certains, comme Louis Aliot, ont également été condamnés à des peines d’inéligibilité, mais sans exécution immédiate, ce qui leur permet de conserver leurs mandats. Une forme d’iniquité perçue comme stratégique : dans l’entourage de Le Pen, on parle déjà de “justice à géométrie variable”.

Côté RN, on ne mâche pas ses mots. “C’est une intrusion dans le jeu électoral qui laissera une tache indélébile sur la démocratie”, tonne Louis Aliot. Laurent Jacobelli, lui, dénonce une manœuvre du “système” pour empêcher la candidate de rencontrer les électeurs. Marine Le Pen, dans une de ses rares déclarations post-jugement, parle d’une “bombe nucléaire lancée contre la vie démocratique”.

Cette rhétorique victimaire n’est pas nouvelle — elle fait même partie de l’ADN du RN — mais elle s’inscrit cette fois dans un contexte judiciaire lourd. Et elle pourrait, paradoxalement, devenir un levier électoral : transformer la condamnation en martyrisation, et la candidate empêchée en héroïne entravée.

Car dans les rangs de l’électorat RN, l’effet peut aussi être de souder davantage autour d’une figure injustement frappée. Comme une revanche en attente. C’est en tout cas le pari que certains au sein du parti semblent prêts à jouer.

Un parti ébranlé mais mobilisé

Le choc est rude, mais pas paralysant. À peine le jugement rendu, l’état-major du Rassemblement national se regroupe en urgence au siège du parti, dans le 16e arrondissement de Paris. Dans une atmosphère de deuil stratégique, mais aussi de reconquête annoncée, la machine RN se remet en marche, déterminée à transformer la sanction judiciaire en ressort politique.

Première ligne de défense : l’appel, évidemment. Marine Le Pen ne fait pas durer le suspense. Par la voix de son avocat, Rodolphe Bosselut, elle annonce dès le début d’après-midi sa décision de contester le jugement. Un geste attendu, presque rituel. Mais chacun sait que, malgré cette procédure, l’inéligibilité s’applique immédiatement — et c’est là toute la subtilité du coup porté.

En parallèle, la riposte médiatique s’organise. Marine Le Pen est attendue au “20 Heures” de TF1, tandis que Jordan Bardella, président du parti, multiplie les interventions sur CNews, Europe 1 et les réseaux sociaux. L’objectif est clair : occuper le terrain, imposer le récit d’une “injustice politique” et éviter que le vide ne s’installe autour du leadership du RN.

Le 6 avril, moins d’une semaine après le jugement, environ 7 000 partisans du RN se rassemblent à Paris pour protester contre la condamnation de leur cheffe de file. “Une décision politique pour écarter la favorite de 2027”, répète Marine Le Pen sur scène, acclamée par la foule. En réponse, 5 000 contre-manifestants, emmenés par La France Insoumise et les Écologistes, battent le pavé pour défendre l’État de droit et la séparation des pouvoirs. La rue se polarise à l’image du débat public.

Dans le cercle rapproché de Le Pen, l’ambiance oscille entre colère, déni et recomposition. Catherine Griset, condamnée elle aussi, reste fidèle à la ligne du parti. Louis Aliot, lui-même visé par le jugement, dénonce une « décision qui fausse les règles démocratiques ». D’autres figures du RN, comme Laurent Jacobelli ou Marie-Caroline Le Pen, tentent de maintenir l’unité du camp, malgré la désorientation provoquée par ce scénario jamais envisagé publiquement.

Mais cette mobilisation n’efface pas la fragilité du moment. Derrière l’activisme apparent, le RN est confronté à une double urgence : gérer l’impact politique immédiat de la condamnation de sa figure centrale, et désigner un plan B crédible, capable de porter la bannière présidentielle. Une tâche d’autant plus délicate que le RN s’était justement structurée autour d’un « ticket » Le Pen–Bardella censé éviter les luttes internes.

Pour l’instant, le discours officiel est celui du combat et de la continuité. “Marine reste notre cheffe politique”, assure Jordan Bardella. Mais chacun comprend que, dans les faits, le relais du pouvoir est déjà en cours — ou du moins son anticipation prudente. Le RN entre en mode campagne… sans sa candidate.

Le plan B : Jordan Bardella

Il était jusqu’ici le “fils politique” discipliné, le président du parti mais pas encore le candidat. Depuis le jugement du 31 mars, Jordan Bardella est devenu, de facto, le plan B officiel du Rassemblement national. Et même si le principal intéressé joue encore la carte de la retenue, en assurant qu’il n’est “pas là pour succéder à Marine Le Pen”, l’évidence politique s’impose : si elle ne peut pas y aller, ce sera lui.

À 29 ans, Bardella est tout sauf un inconnu. Élu eurodéputé à 23 ans, président du RN depuis 2022, orchestrateur de la stratégie de “normalisation” du parti, il incarne une génération post-Le Pen, plus lisse, plus technologique, et — pour certains — plus compatible avec une droite classique en quête d’alliances. Son ascension rapide, sa maîtrise médiatique et sa popularité dans les enquêtes d’opinion en font un recours logique.

Mais cette montée en première ligne ne va pas sans fragilité. Bardella reste un profil jeune, sans expérience ministérielle, encore moins gouvernementale. Son image est travaillée, mais son épaisseur présidentielle reste à démontrer.

Plus encore, une ombre continue de planer sur sa trajectoire : son nom a brièvement été cité dans l’affaire des assistants parlementaires. En 2015, il avait été employé quelques mois comme assistant parlementaire de Jean-François Jalkh. Il n’a pas été poursuivi — la justice n’a pas ouvert d’enquête à son sujet —, mais des révélations de Libération ont fait état de documents antidatés, de revues de presse bricolées, et même d’un agenda 2015 rempli à la main, après coup, pour “prouver” son activité. Bardella a nié en bloc et annoncé porter plainte pour diffamation.

Pour le moment, aucune procédure ne l’inquiète. Mais l’épisode a laissé des traces. Et dans un parti en pleine tempête judiciaire, l’image du “président propre” est un capital fragile.

Politiquement, Bardella incarne aussi un virage tactique possible : l’ouverture vers la droite républicaine. Moins lié symboliquement au nom Le Pen, plus malléable sur certaines alliances, il pourrait être l’homme des convergences avec une droite tentée par une union des droites, façon Zemmour ou Wauquiez. Un scénario que Marine Le Pen avait toujours tenu à distance. S’il devait être candidat, la mue du RN pourrait s’accélérer.

Mais pour l’heure, le mot d’ordre reste : loyauté à Marine. En surface, en tout cas.

Les réactions politiques et internationales

Parlement européen à Strasbourg. Philemon Henry/SIPA

La condamnation de Marine Le Pen n’a pas seulement secoué le RN. Elle a déclenché une cascade de réactions à travers le spectre politique français… et bien au-delà. Dans un paysage déjà fragmenté, ce jugement a agi comme un révélateur : entre soutien, satisfaction, prudence et colère, chaque camp s’est positionné, parfois plus par stratégie que par conviction.

En France : entre soutien à la justice et accusations de dérive

Du côté de la gauche, le Parti socialiste, La France insoumise et les Écologistes ont salué le travail de la justice, en rappelant leur attachement à l’État de droit. Le PS a publié un communiqué appelant “chacun et chacune à respecter l’indépendance de la justice”. LFI, de son côté, en a profité pour relancer son idée de référendum révocatoire, Jean-Luc Mélenchon estimant que “la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple”.

Mais la droite républicaine s’est montrée plus réservée. Laurent Wauquiez a exprimé son “malaise” face à une décision “très lourde et exceptionnelle”, estimant qu’il n’est “pas sain, dans une démocratie, d’empêcher un candidat de se présenter à une élection”. Robert Ménard, fidèle soutien du RN par le passé, a parlé de “scandale” : selon lui, les juges se sont “substitués au suffrage universel”. Il reconnaît une “faute” de Marine Le Pen, mais juge la sanction disproportionnée.

Sans surprise, les cadres du RN crient au complot politique. Louis Aliot dénonce une “tache indélébile sur la démocratie”, Laurent Jacobelli parle de manœuvre pour empêcher un “candidat de rencontrer les électeurs”. Quant à Marion Maréchal, désormais ralliée au RN après son passage éclair chez Zemmour, elle résume : “La seule faute de Marine, c’est d’avoir mené notre camp sur le chemin de la victoire.”

À l’étranger : l’extrême droite européenne fait bloc

C’est sur les réseaux sociaux, notamment sur X (anciennement Twitter), que les soutiens étrangers de Marine Le Pen se sont fait entendre. Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, a lancé un “Je suis Marine !” dès l’annonce du jugement. Geert Wilders, leader de l’extrême droite néerlandaise, s’est dit “choqué” par une décision “incroyablement sévère” et “politique”. Même Donald Trump, Elon Musk et Jair Bolsonaro, dans un rare alignement d’étoiles populistes, ont exprimé leur “solidarité”.

Matteo Salvini, Santiago Abascal, ou encore les cadres du Rassemblement national belge ont tous dénoncé une “persécution judiciaire” et un “acharnement idéologique” contre l’une des leurs. L’affaire Le Pen devient ainsi une affaire symbolique pour les droites dures en Europe, un nouvel argument dans leur rhétorique contre “les élites” et “la judiciarisation de la politique”.

Mais l’effet boomerang n’est pas négligeable. À mesure que la contestation enfle, la majorité silencieuse reste attentive. Un sondage Odoxa, publié après le jugement, indique que la majorité des Français considère la décision de justice comme “juste” et “non surprenante”, en particulier chez les électeurs de plus de 50 ans.

Et du côté des institutions ?

Le Parlement européen, partie civile dans l’affaire, a réagi avec sobriété : “L’objectif a toujours été de préserver les fonds des contribuables européens.” L’Élysée, par la voix d’Emmanuel Macron, a rappelé “la nécessité de protéger l’indépendance des magistrats”, alors que plusieurs juges ont fait l’objet de menaces anonymes après la décision.

En somme, l’affaire dépasse largement les frontières de la justice française. Elle s’inscrit dans une lutte plus vaste entre institutions, populismes, et perception de la légitimité démocratique. Et à deux ans de la présidentielle, chaque mot, chaque posture, chaque silence compte.

Une donnée politique rééquilibrée

Pour le président de Jeunes avec Macron, cette affiche dénonce «l’hypocrisie de Marine Le Pen et du RN». DR

La condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires ne signe pas seulement la fin d’un procès, ni même celle d’une candidature. Elle marque un tournant pour le Rassemblement national, pour l’extrême droite française, et plus largement pour la configuration politique à deux ans d’une présidentielle décisive.

D’un point de vue judiciaire, la sanction est sans ambiguïté : Marine Le Pen est reconnue coupable, son rôle central dans un système organisé de détournement est établi, et sa peine d’inéligibilité s’applique immédiatement. Pour un parti qui s’est toujours voulu antisystème, l’ironie est brutale : c’est justement le système judiciaire qui empêche aujourd’hui sa figure de proue d’accéder à la magistrature suprême.

Politiquement, la donne est bouleversée. Le RN perd sa candidate naturelle, son visage historique, sa seule prétendante crédible à l’Élysée. Le parti doit désormais réinventer son leadership, sa stratégie et son récit, sans céder à la panique ni à la division. Jordan Bardella incarne une relève possible, mais pas encore évidente. Sa popularité est réelle, sa stature présidentielle reste à construire.

Face à cela, les adversaires du RN observent, prudents. Personne ne sait encore si cette affaire affaiblira durablement l’extrême droite, ou si, au contraire, elle renforcera sa logique de victimisation et galvanisera un électorat en quête de revanche. La politique a ses ressorts que les décisions de justice ne maîtrisent pas toujours.

Enfin, cette séquence réaffirme, malgré les tensions, la force d’une démocratie capable de juger ses responsables politiques — même les plus influents — pour leur gestion de l’argent public. Une victoire pour la justice ? Peut-être. Un épisode clos ? Pas tout à fait.

Car, comme toujours avec Marine Le Pen, il reste une dernière question en suspens : est-ce la fin de l’histoire… ou simplement la fin de la saison ?

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