Maman, il a quel bruit le monde ?

Luna VASSAL | Guerre, crise, conflit, misère, beauté, poésie, absurdité, mort, c’est une infime partie de tous les termes qui vous viennent à l’esprit dès lors que vous êtes mis face à ce que le regard de Luc Delahaye a à vous offrir. C’est en épiant ses clichés de haut en bas, de droite à gauche, dans les moindre détails, que le cœur s’éveille et que les ressentis fusent. 

Luc Delahaye, Soldats de l’Armée Syrienne, Alep, Novembre 2012.

C’est du 10 octobre 2025 au 4 janvier 2026 que se tient en lieu du Jeu de Paume à Paris une exposition qui retrace vingt-cinq années de travail, débutant en 2000, de Luc Delahaye, photographe de guerre français, lauréat du prix Niépce en 2002. Ses observations interviennent comme témoignage poignant d’un monde troublé, violent, turbulent, mais qui se fait l’écho d’une actualité à laquelle personne ne peut aujourd’hui échapper. 

Pensée en trois espaces, cette rétrospective interpelle par l’immensité des photographies, des vues panoramiques, à contempler de loin comme de très près, pour en dénicher le moindre détail et la plus grande exactitude. Il ne s’agit en ces termes plus de photos, mais bien de tableaux qu’il est donné à nos yeux d’observer. Avec certaines œuvres qui jouent sur le clair-obscur, tandis que d’autres sont alimentées d’un imaginaire poétique laissant place à une subjectivité certaine, il convoque notre imagination et sensibilité au travers d’une composition tout sauf hasardeuse. Il est dur d’imaginer qu’un homme se tienne derrière l’objectif tant les clichés sont immédiats, bruts, crus ; une forme de voyeurisme insinu nous fait nous questionner, mais ce  dont il s’agit est surtout d’un devoir de mémoire rendu. Qui d’autres que les photojournalistes, au péril de leur vie, pour rendre compte des atrocités vécues au-delà de nos frontières ? 

Entre photographies prises sur le vif, mises en scène ou encore compositions sur ordinateurs à partir de plusieurs clichés, il s’agit toujours de restituer la trace d’une présence, d’un bruit du monde, d’un réel vécu. C’est dans ce contexte qu’on en vient à imaginer ce que pouvait bien être la bande sonore du moment capturé, de l’instant d’une intensité géopolitique et commerciale qui transpire à travers le cadre, jusqu’à une scène morbide où apparaît sans fioriture la cessation de vie. Âmes sensibles s’abstenir, mais il est plus que jamais temps de prendre part aux mouvements de ceux qui choisissent de comprendre, d’admettre, de lutter, de dire adieu à ces œillères qui ternissent l’esprit et favorisent la répétition d’une histoire sinistre. 

En alliant photojournalisme et art contemporain, en transformant le document brute en construction artistique, Luc Delahaye, à travers l’Afghanistan, la Russie, la Palestine, la Serbie, l’Indonésie, la France, les Etats-Unis, la Syrie, l’Irak, le Rwanda, ou encore le Royaume-Uni, nous offre avec des visuels ce que la réalité rend ineffable tant elle est dénuée de sens. Je vous invite ainsi, si ce n’est pas déjà fait, à plonger au cœur de cette exposition avec un œil ouvert et un esprit  attentif. N’oubliez pas de prendre le temps, d’apprécier, de contempler, en espérant qu’un jour, tous ensemble,  nous pourrons observer ces paysages changer, fleurir, s’apaiser. 

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