
Safia HAOUAR | Du 1er Novembre au 20 Décembre, tous les Samedi à 19h au théâtre Clavel, retrouvez Les enfants – rois, une pièce écrite et mise en scène par Marius Girma. Cette œuvre théâtrale oscille entre drame et comédie pour montrer dans l’intimité d’une soirée entre amis que devenir adulte c’est réaliser, pour toujours, la présence d’un enfant capricieux à l’intérieur de nous.
Dans un salon chaleureux nous retrouvons Alma, une jeune femme qui tente de terminer sa pièce de théatre, et Justine, sa colocataire et amie de longue date qui vient tout juste d’inviter deux anciens amis. De cette soirée, tous se retrouvent, avec Ismane, le petit ami de Justine qui les rejoint. Une nuit, c’est le temps suffisant pour que tout le monde se remette en question. Entre solitude, rupture, doutes et amour, les protagonistes passeront leur temps à chercher des réponses, tantôt dans l’explicite d’une conversation, tantôt dans le silence de l’ennui. Marius Girma mélange drame et comédie pour exposer la complexité de ses personnages et faire ressurgir des questions universelles, que tout le monde finit tôt ou tard par se demander.
Un décor intime au service des émotions : assis – toi sur un canapé et remet toi en question.
Le décor est simpliste mais très chaleureux avec comme pièce maîtresse : un grand canapé au centre, recouvert de coussins colorés. Tandis qu’Ismane plus effacé peut s’y sentir de trop, Justine, très enjouée, ne le remarque pas. Elle semble plutôt prendre beaucoup d’espace aussi bien sur le canapé que dans la conversation.
Le reste du décor est tout aussi réconfortant que le canapé : en face, une table basse porte encore les traces de verres partagés, et derrière, une bibliothèque rassemble divers objets chargés de passion.
On le remarque très vite : la scénographie offre un cadre idéal pour des retrouvailles entre amis. Pourtant, ce n’est pas encore ce qu’il y a de plus marquant. En effet, les jeux de lumière insufflent véritablement la vie à l’ensemble de la pièce. Telle une flambée autour de laquelle se réunit un groupe d’amis un soir, la lampe qui éclaire les différents actes crée aux spectateurs le sentiment qu’ils font également partie des conversations. Ce lien intime se renforce notamment par quelques interactions entre les personnages et le public, entre une main serrée ou un jeu de regard vers les spectateurs.
Finalement, il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour vivre les moments les plus intenses.
Un jeu d’acteur aussi capricieux qu’un enfant

Tous les personnages ont des désirs : désir d’aimer, de s’isoler, de finir sa pièce de théâtre, de confesser son amour, ou son désamour, mais personne ne souhaite patienter. De fait, que se soit Justine qui ne souhaite pas retarder des conversations sérieuses avec Ismane, ou ce dernier qui souhaite s’isoler, une chose est certaine : tous deux espèrent obtenir ce qu’ils souhaitent dans l’instant T.
Pourtant, alors que certains s’impatientent, d’autres préfèrent repousser ce qu’ils souhaitent avouer. L’un des anciens amis de Justine, se perd dans ses mots, il bégaie et rallonge ses phrases en essayant de se confesser : il a peur des conséquences. Pour cause, il continue d’embêter les autres, soit à travers une chanson karaoké alors que tout le voisinage s’endort, soit en roulant un petit vélo dans le salon. En fait, tout est une excuse pour ne pas se confronter à la réalité.
On ne devient jamais vraiment adulte : La prison dorée d’une quête de maturité
Alma qui tente de finir sa pièce se pose une question dès le départ : “A quel moment est-ce qu’on est censé se sentir adulte ?”. La question met en évidence une certitude pour elle, qui fait souvent l’unanimité ; ce n’est pas en se réveillant le jour de son 18e anniversaire qu’on se sent adulte. Mais à quel moment devons-nous avoir le sentiment de grandir ?
Bien des années plus tard, lorsque le groupe d’amis se retrouve, les problèmes semblent toujours être les mêmes. Ils ont tous évolué mais une part d’eux reste identique puisque le changement ne fait pas disparaître certaines dynamiques, certains sentiments ou certains comportements. Une rupture entre adultes semble être une histoire de jeunesse qui se brise, une confession amoureuse fait écho à un enfant qui apprend à dire je t’aime et un ennui après une soirée se fait à l’instar d’un enfant lassé d’avoir joué.
Bien qu’en face de nous se trouvent des adultes, leurs interactions sociales semblent manquer cruellement de maturité. Pourtant, la pièce questionne l’absurdité de cette quête : sommes-nous réellement en manque de maturité et est-ce la pièce manquante du puzzle du passage à l’âge adulte ? Se sentir responsable et équilibré ? Toujours savoir quoi faire et quand le faire ?
Nous sommes tous des enfants-rois
Marius Girma, auteur et metteur en scène, nous présente à travers sa pièce Les enfants-rois, une bande d’amis autour d’une table qui – entre quelques verres – nous montre le paradoxe de la quête du passage à l’âge adulte. Nous révélant qu’en réalité, derrière chaque adulte (selon sa définition conventionnelle) – avec son lot de responsabilités, de découverte de soi et de maturité – se trouve le caprice, l’impatience et la peur d’un enfant-roi.
On ne passe jamais vraiment à l’âge adulte, on devient simplement des enfants souverains.

