Le football prend-t-il trop de place ?

Mardochet SONKERE-MUKUAYANGI | « Dans le football, je vois un angélisme. Je retrouve les gens, les hommes, dans le sens de l’humanité, dans une pureté que rien n’arrête et qui m’émeut énormément. Et je pense que c’est ça le principe de mon émotion quand je vois du football ». Cette citation de Marguerite Yourcenar illustre la première fonction du football et du sport en général : rassembler et fédérer des individus tous différents. Néanmoins, nous vivons pleinement les dérives du football. En effet, nous sommes dans un monde où le football est idolâtré depuis de nombreuses années.

Nous voyons  quotidiennement sur les réseaux sociaux des personnes qui sont prêtes à tout pour défendre leur club ou leur joueur favori, jusqu’à proférer des insultes. Encore plus lorsqu’il s’agit de « pros Messi » ou de « pros Ronaldo ». Je ne suis pas là pour me positionner en moralisateur, je suis moi-même un grand passionné de football. Cependant, je pense que nous nous devons de prendre du recul et de réaliser la place importante qu’a le football aujourd’hui.

« Zidane c’est la France, on manque pas de respect à la légende comme ça »

Cette phrase vous la connaissez bien. C’est un tweet de Kylian Mbappé en réaction à l’ex-président de la Fédération française de football, Noël le Graët, en poste du 18 juin 2011 au 11 janvier 2023. Cela représente parfaitement le mythe qui entoure une personnalité comme Zinédine Zidane : un intouchable. Les divers coups de sang qu’il a pu avoir dans sa carrière, les soupçons de dopage à son égard, ont été très vite oubliés. On ne se rappelle que de son élégance, sur et en dehors du terrain. Il semblerait qu’il ait une auréole au-dessus de sa tête partout où il va. Zidane, c’est un ambassadeur de la France dans le monde entier alors évidemment que la sphère politique entre en jeu. Le sport est depuis toujours un moyen de faire de la politique et le football n’échappe pas à la règle. Lui faire porter la flamme olympique est un symbole fort.

Mais Zinédine Zidane est un exemple isolé d’une personnalité à part dans l’écosystème footballistique. Comme je l’ai énoncé précédemment, on mêle certains joueurs à des enjeux géopolitiques importants. Nous avions eu un très bon exemple avec le feuilleton Mbappé en 2022. Avant sa prolongation de contrat au Paris Saint-Germain, le joueur a reçu plusieurs appels téléphoniques du président français Emmanuel Macron pour le pousser à rester au club. Le capitaine de l’équipe de France devait être un étendard, pour la France et son championnat mais aussi pour le PSG, sur la scène mondiale. L’international français était d’ailleurs présent à l’Élysée en février 2024 à l’occasion de la visite de l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani.

Nous pourrions évoquer les mêmes éléments concernant Cristiano Ronaldo. Le 21 novembre, le joueur portugais était à la Maison Blanche accompagné de sa fiancée, Georgina Rodriguez, pour rencontrer le président des États-Unis, Donald Trump. Reçu comme un chef d’État, cet épisode n’a fait que confirmer son statut de personnalité plus qu’importante. On a eu l’impression d’assister à la rencontre entre Cristiano Ronaldo et l’un de ses fans, d’ailleurs l’État-unien n’a pas hésité à mentionner le fait que son fils, Barron Trump, est un grand fan du joueur. Ronaldo, c’est un instrument du soft power saoudien, c’est un ambassadeur politique. Depuis que le joueur quarantenaire a rejoint le championnat saoudien, de nombreux joueurs qui performaient au plus haut niveau en Europe l’ont suivis et le football d’Arabie Saoudite a gagné en visibilité. Le plan de l’Arabie Saoudite pour mettre en valeur le pays par le sport et augmenter le tourisme est de plus en plus réaliste grâce notamment à Ronaldo.  Son influence est sans précédent.

Qu’en est-il du supporter de football ?

Désormais, je voudrais aborder le foot sur le plan du supportérisme qui correspond à l’action de supporter un club ou un joueur. Cela requiert un engagement physique (déplacement au stade, cris d’encouragements, chants, etc.) et mental (connaissance des joueurs de l’équipe, réflexion sur le club et  son fonctionnement…). Les débats sont toujours plus houleux sur les réseaux sociaux et il est de plus en plus difficile d’entretenir des débats sains. Depuis de nombreuses années, les joueurs de football sont des dieux qui sont vénérés par des admirateurs toujours plus fidèles et engagés. Diego Maradona est sûrement l’exemple le plus parlant. Mais si nous sommes submergés par nos émotions pour juger le football, nous tuons le débat footballistique et ainsi nous tuons le football. Cela va complètement à l’opposé de la première vocation du sport que j’évoquais plus tôt : rassembler. Évidemment, l’adoration adressée aux joueurs professionnels et au jeu avec des individus qui pourraient tout donner pour avoir un maillot signé, fait les affaires des entreprises de paris sportifs qui séduisent une multitude de fans de foot en France et dans le monde entier. Si vous êtes un fan de Kylian Mbappé, vous croyez en ses capacités. Il sera donc plus facile pour vous de parier votre argent sur le fait qu’il va mettre un but au prochain match. Un petit bouche à oreille et voilà comment beaucoup de jeunes adultes sont attirées vers le jeu.

Chez ses joueurs, tout est contrôlé et maîtrisé. De la communication au style vestimentaire. Mais ce sont des humains comme vous et moi avec des qualités et des vices alors que notre amour pour eux et pour notre sport ne devienne pas religion.

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