Le prophète et le clochard

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Guillaume Collet, le 21/01/13

Le prophète et le clochard.

The Master
De Paul Thomas Anderson
avec Joachim Phoenix et Philip Seymour Hoffman.

Toujours attiré par les vies atypiques, et les personnages hauts en couleur, P.T. Anderson revient avec The Master filmer son Amérique natale. Il y suit les déambulations de Freddie, vétéran de la seconde guerre mondiale dans une nation victorieuse et productive, une Amérique qui s’uniformise et laisse peu de place aux marginaux.

Et quel marginal ce Freddie, ne serait-ce que dans les grandes familles des personnages de cinéma.
Car Freddie a une gueule, une sale gueule qui fait oublier l’acteur. Un corps de travers loin de l’esthétique, des tics nerveux, des idées pas nettes d’obsédé. Freddie boit, recherche des femmes, se dispute, fuit sans but…jusqu’à ce qu’il soit recueillit par une communauté gravitant autour d’un maître, prophète psychologisant, savant mélange de mysticisme et de charlatanisme. On comprend que malgré l’apparence sociale, les costumes, et la maîtrise du langage, les deux hommes sont une variation autour d’un refus d’une Amérique qui se dessine. Le maitre semble choisir sa différence et Freddie la subit sans la comprendre. L’un frôle le mutisme quand l’autre stoppe rarement son bavardage. Les deux hommes vont se reconnaître, se comprendre, se déchirer.

Une confrontation rendue hypnotique par l’interprétation de Joachim Phoenix pour Freddie et Philip Seymour Hoffman pour le « maître ». Le film, relativement long, est parsemé de scènes -performances, possible par la maîtrise des acteurs et du réalisateur. P.T. Anderson, encore plus que dans « There Will Be Blood », travaille une grammaire visuelle de la confrontation. Les plans serrés, ou les très gros plans, les discussions, les disputes sont esthétisés avec force. Le spectateur peut palper l’aura du maître, et frissonner devant la violence de Freddie.

Avec ce personnage intriguant, physiquement et narrativement, P.T. Anderson donne au film une atmosphère particulière. Ce point de vue original d’un corps et d’un esprit non formatés permet de renverser la progression souvent prévisible des films d’apprentissage. Si il place la caméra dans ce qu’on appelle une secte, P.T. Anderson ne laisse pas ce sujet phagocyter son film. Ce n’est pas un film sur la relation de maître à esclave non plus, tant Freddie reste libre.

Beau moment en ce début d’année que ce film qui malgré son casting, les sujets qu’il traite reste indéfinissable, intriguant. Belle expérience pour le spectateur de suivre pendant deux heures, ce qui semble être un personnage sauvage.

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