Masculin/Masculin à Orsay :
Enfin, on nous lâche les couilles !
Exposition temporaire au Musée d’Orsay
Masculin/ Masculin. L’homme nu de 1800 à nos jours.
24 Septembre – 2 Janvier 2014
gratuite pour les moins de 25 ans
Sarah Dinelli, le 07/10/13,
Peu sont les expositions qui ont le mérite de délasser le regard. L’objectivation du corps, et surtout du corps féminin, est l’un des griefs portés à l’encontre des publicités qui tapissent l’espace urbain. Nous proposer de revoir le corps, interrogé par le geste de l’artiste cette fois, est de bon augure. Proposer de regarder le corps de la moitié mâle de l’humanité est un geste original et attendu, sans doute, pour désancrer un peu notre regard du corps féminin, nous « lâcher » avec son objectivation, et nous apprendre à lire d’autres courbes. Étonnamment, comme le précise l’exposition, seule une exposition a eu lieu sur ce thème, l’an passé à Vienne.
Non pas qu’il n’y ait pas eu d’hommes nus dans la peinture – au contraire, comme le prouve l’exposition – mais notre regard contemporain s’est déshabitué à le prendre en compte. On le voit sans le voir, on ne focalise pas sur lui notre attention.
A travers un parcours thématique et pédagogique comprenant diverses entrées (le corps héroïsé, le corps martyrisé, le corps en prise avec la nature, le corps comme objet du désir…), l’exposition regroupe des tableaux du XIXe comme des œuvres photographiques très contemporaines. L’apparition d’œuvres de Pierre et Gilles entre des tableaux classiques ou romantiques peut surprendre, plaire ou heurter. On retrouve avec joie les œuvres de Gustave Moreau, Bacon, Munch. Aux corps musclés, lisses, imposants, des représentations mythologiques ou bibliques, les corps presque maladifs d’un Lucian Freud par exemple forment de discrets contrepoints ci et là. Quelques sculptures mettent le corps en perspective dont l’une très poignante de Ron Mueck (qui expose en ce moment à la Fondation Cartier) qui représente le corps de son père.
Sans doute l’exposition n’est pas de celle dont l’on ressort bouleversé. L’espace, un peu chargé, les sauts d’une époque à l’autre, rendent difficile à cette émotion d’affleurer longuement. Néanmoins, l’expérience est agréable et instructive. Elle peut donner à penser sur ce thème souvent passé sous silence, « le grand absent » de la littérature comme le souligne le catalogue d’exposition : les peintres, les photographes, les sculpteurs, ont peut-être là une voie à montrer aux écrivains.
Elle peut aussi nous inciter à réfléchir sur la représentation de ce corps à phallus, par de micro-analyses, et pourquoi, par celles du phallus lui-même : par pudeur, bienséance, les peintures classiques le cachent ou réduisent sa taille. Le phallus n’est représenté en érection, ci ce n’est dans la photographie « L’origine de la guerre », qui reprend le célèbre tableau de Courbet.
Elle a également incité à se mettre nu. Si à Vienne, un vernissage nudiste avait été organisé au Léopold Museum, en France un ancien des étudiants des Beaux-Arts de Rennes, n’a pas hésité à enlever ses vêtements pour faire un « happening », en visitant l’exposition aussi nu que ses homologues peints lors du vernissage. La critique que fait ce dernier de l’exposition n’est pas infondée, il dit qu’elle « aurait pu devenir un outil critique à des fins plus féministes, en remettant en cause le référent universel du masculin, l’érotisation exclusive du corps féminin. [Il a eu] eu l’impression d’une expo à la gloire du masculin ». L’exposition en effet présente et rassemble plus qu’elle n’est critique, et ne montre qu’à de rares exceptions le corps masculin dans sa déchéance ou dans son aspect désirant.
Cette présentation a néanmoins le grand mérite d’ouvrir le sujet, le débat, et de dépolariser nos regard du corps féminin.
Avant d’aller voir l’expo, allez lire le texte précurseur qu’un de nos rédacteurs avait écrit sur le sujet l’année dernière :
https://nouvellesvagues.wordpress.com/2012/07/05/les-hommes-nus/