Justine GAUTIER et Larissa RION | Si je te dis « effet papillon », à quoi penses-tu, là, tout de suite, à brûle-pourpoint ?
Ferme les yeux, et laisse ton esprit vagabonder un instant… Ressens-tu cette petite brise, à peine perceptible, ce battement d’ailes, qui, en effleurant l’air, envoie valser les certitudes ? Un mouvement si insignifiant, si fragile, qu’il semble n’avoir aucune importance… Et pourtant, il déclenche une réaction en chaîne, des vagues inattendues, modifiant, à jamais, le cours des choses.
En y pensant, on se rend compte que, dans nos vies, ce sont souvent ces moments insignifiants, ces choix ordinaires, ces hasards qui déguisent nos existences. Des petits instants chétifs qui envoient valser nos trajectoires dans de nouvelles constellations. Ça me fait penser à Milan Kundera et à son Insoutenable Légèreté de l’Être : « Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans avoir jamais répété. » Alors on ouvre le grand livre des souvenirs. On se souvient des instants bleus, des soupirs gris, et des papillons dorés. Et, on se dit qu’ils n’étaient pas si insignifiants !
Et toi, si tu devais raconter cette histoire ? Ces coups d’ailes, ces gestes qui semblent si anodins mais qui marquent un tournant ? Et si tu devais la filmer, qu’est-ce que tu choisirais de montrer ? Comment donner vie à cette mécanique invisible de l’effet papillon à travers l’objectif d’une caméra ?
C’est le défi que s’est lancé Objectif Censier cette année, l’association de création de court-métrage étudiant, en dévoilant un thème aussi fascinant qu’intrigant et qui offre un terrain de jeu infini pour les créateurs. Un sujet qui laisse place à l’imaginaire, à la réflexion, à l’interprétation de chacun. Et au vu des créations de cette année (qui sont diablement prometteuses… “de vraies promesses du cinéma” selon le jury), le thème flotte dans des espaces infinis, des océans de possible. L’amour, “les douceurs d’une relation” (Parole du Jury pour le prix du Montage), la rupture, la politique, les phalènes envahissantes, l’anomalie oppressante… Tant de vies, de luttes, d’émotions qui se cristallisent dans des œuvres puissantes, nées de la passion et de l’engagement. Il y a ces cris du cœur, ces vies mêlées, et surtout cette cohésion si palpable lors du festival. Franchement, cher étudiant, si tu en as l’occasion, fonce l’année prochaine au festival de courts-métrages, car il y a ces vagues d’applaudissements qui effleurent l’âme humaine, ces jeunes qui se soutiennent les uns les autres, ces professionnels et ces institutions qui croient en ces projets. Il n’y a pas de mots pour décrire cela, je crois qu’il faut le vivre pour le saisir. C’est un moment d’une légèreté rare, zéphyrien.
Ce furent les soirs du 13 et 14 mars, de 18h à 21h à la Sorbonne Nouvelle, que les projets des artistes sortirent au grand jour face à un amphithéâtre qui déborde de bonne humeur que nous votâmes pour notre court métrage favoris. Le décompte des bulletins ainsi que l’annonce des gagnants se firent le second soir.
Des scènes ouvertes ponctuèrent également ces événements par des artistes appelés sur scène pour présenter l’effet papillon, sous un autre support artistique. Comme une petite note musicale qui s’ajoute avec l’artiste Ravy Lerey, qui joue et chante une chanson, fruit d’un effet papillon de son propre vécu ; ou bien une séquence de Stand up par Mahaut, qui narre avec humour ses storytime d’effets papillon.
C’est aussi le pari que nous avons relevé ici, en nous lançant à la recherche des visions diverses et multiples de l’effet papillon.
Ici, vous découvrirez les interprétations des étudiants de La Sorbonne, nées d’un appel à projets lancé par quatre étudiants de Médiation Culturelle, intitulé « L’Effet Papillon, c’est quoi pour toi ? ». Lise, par exemple, a écrit un poème qui exhale la douceur du printemps, les fleurs et les papillons dans le ventre :
« Quand d’un battement d’aile
De tes cils sensuels
Mon ventre papillonne,
Toute une musique résonne.
Et naît mille chrysanthèmes,
Car mes yeux crisants t’aiment. »
Mais ce n’est pas tout. Anna vous invite dans un collage plein de couleurs et de rondeurs, tandis que Clem narre un conte intitulé « Une forêt sens dessus-dessous », une histoire qui se déploie comme un voyage ricochet dans un monde où la forêt parle.
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Laissez nous vous présenter une interview du directeur d’un cinéma indépendant à l’occasion de cet événement, par Justine.
Afin d’apporter un point de vue cinéaste supplémentaire, en raccord avec l’esprit de la Sorbonne Nouvelle et de l’association Objectif Censier, on a décidé de mettre en avant un cinéma indépendant tourné vers les étudiants. Voici un rapport de la vision du directeur du cinéma indépendant Nouvel Odéon.
Quelle est votre définition personnelle de “l’effet papillon” ?
“La chanson de Bénabar dans un premier temps, car j’ai appris la définition de cette expression quand j’étais plus jeune grâce à cette chanson. Ça m’évoque une réaction en chaîne.”
Et que serait, selon vous, une représentation de l’Effet Papillon dans le cinéma ?
“Des films catastrophes qui s’enchaînent les uns avec les autres, j’ai cité Duel de Spielberg qui est une course contre la mort d’un homme avec un camion et quand on pense que c’est fini, ça ne l’est pas. Autre exemple : After Hours, de Scorsese, où le personnage ne rencontre que des malheurs : agressions, rencard qui tourne mal, etc … C’est une définition négative car ce serait une réaction en chaîne selon moi”.
Pensez-vous qu’il existe des stratégies d’image particulières pour le représenter ?
“Pas forcément d’effets spéciaux particuliers, la forme doit toujours être libre ; c’est forcément le scénario, la mise en scène. Par exemple, la consigne d’adaptation et de remake est parfois ratée. Par exemple, Nosferatu avec Lily Rose Depp, qui est le remake d’un film déjà fait donc la thématique est reprise. Il n’est pas réussi car il y a juste des effets visuels et sonores ajoutés. Et pour qu’un film refait soit réussi, il faudrait qu’il raconte quelque chose de nouveau. Ces films ont un cadre donc ils ne sont pas 100% libres, d’où est la difficulté. Le thème est quand même cadré donc il y a une difficulté”.
Vous considérez donc qu’une bonne représentation cinématographique se traduit par le scénario et les points de vue ?
“La question du point du vue est très importante. Je pense à Amadeus sur Mozart qui prend le point de vue de l’ennemi de Mozart. “
Pensez-vous que ce thème peut être facilement maîtrisé artistiquement, ou représenté ? Comment pourrait-il être un échec ?
“Non, aucun sujet n’est simple et tous les sujets peuvent être ratés malheureusement. Je ne pense vraiment pas qu’il y ait une vérité sur le bon traitement d’un sujet. “
Et, étant donné que votre définition de “l’effet papillon” est un enchaînement de catastrophes, que pensez-vous comme effet spécial un enchaînement d’images ?
“Défilé d’images rapides oui, mais c’est très esthétique. Tout dépend car un court métrage, si c’est un clip, ça ne peut être que de la recherche graphique et visuelle. Il n’y a pas de vérité, pas une bonne et une mauvaise idée mais il faut voir l’intention, si c’est juste faire défiler l’image pour faire défiler l’image, ça n’a pas d’intérêt. Il faut rechercher l’originalité et l’émotion chez le spectateur, si l’on veut provoquer une telle émotion, il faut voir en fonction du montage : plan long et lent pour l’angoisse ou accélération et musique oppressante aussi pour l’angoisse donc il n’y a pas de bonne manière de faire.”
Si vous recevez la consigne de réaliser un court métrage sur l’Effet Papillon, qu’est ce que vous ferez ?
“J’irais vers la comédie, car l’expression est liée à la chanson découverte au collège et pour faire contre pied, je favoriserais un petit côté « prank » dans ce thème là qui pourrait surprendre. J’irais à contre pied de la définition de l’effet papillon que je me fais.”
Un petit mot sur votre cinéma avant de nous quitter ?
“C’est un cinéma d’une seule salle dans quartier extrêmement concurrentiel. On est un cinéma indépendant et nous soutenons l’économie du cinéma. Il y a quatre-cinq films à l’affiche par semaine, on est une équipe assez jeune qui travaille avec les étudiants : on propose énormément d’événements pour les étudiants. Nous serions ravis de proposer des tarifs réduits à 6€ pour une association étudiante de La Sorbonne nouvelle sur un des événements à venir chez nous.
Nous pouvons aussi faire des séances « Scolaires » privées le matin pour un groupe de 15 avec un film au choix.
Nous sommes motivés par l’envie que le public se sente bien chez nous ainsi que de réveiller la curiosité car quand on grandit avec le streaming, ce dernier dicte nos choix du films, car on nous propose ce qu’on aime déjà, mais les cinémas indépendants proposent des films qu’on ne va pas voir spontanément pour développer l’esprit critique et permet une ouverture sur le monde. On est, au final, un cinéma à essai, ouvert à toute proposition de partenariat de projection et de projets.”
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Maintenant, laissez nous clôturer cet article en beauté : par une interview cette fois-ci filmée et montée par Larissa.
Voici l’Effet Papillon selon Laurent, libraire passionné du Centre Pompidou, spécialiste des rayons cinéma et photographie. Il nous offre un cœur à cœur d’une tendresse rare. N’est-ce pas agréable de pouvoir se livrer de manière aussi spontanée ? À cœur ouvert ! On devrait tous le faire plus souvent, n’est-ce pas ? À la fin de cette vidéo, vous entendrez quelques mots de ma part, une petite divagation personnelle sur l’effet papillon… ou peut-être un papillonnage, tout simplement.
https://drive.google.com/file/d/1-URUWxXLoDRE37lZlgsJ1W1rqx5M7XFO/view?usp=drivesdk
