Comme un Russe en galère (Limonov d’Emmanuel Carrière)

Guillaume Collet, le 19/03/12

Limonov d’Emmanuel Carrère.

Edition P.O.L  24 euros.

D’une prose tranquille et claire, Emmanuel Carrère nous raconte les différents enfers traversés par son homologue Russe Edouard Limonov. L’auteur, fait de cet homme, qui fantasmait sa vie, comme un mélange de Martin Eden et de l’assassin Manson, un sujet de conversation agréable et  divertissant. Ce traitement de la figure du rebelle tend à l’assagir loin ses actes et de ses écrits.

Le Russe nous est montré en bel-ami indélicat, opportuniste et ambitieux.

L’ami venu du froid. Au fil des pages, alors que la figure de Limonov se dévoile, celle de Carrère s’obscurcit, plongeant le roman dans un étrange paradoxe. Fort de clichés efficaces et de sa littérature attentionnée, le roman apparait comme une étrange réécriture d’une œuvre essentiellement autobiographique. Le style rappelle celui du scénariste, l’écriture a quelque chose de contemporain : des phrases ni trop longues, ni trop courtes. De la psychologie à la petite cuillère, c’est comme ça que la soupe est la meilleure. Le tout saupoudré de descriptions accrocheuses à l’incontestable valeur cinématographique : quand il fait froid, de la buée filtre entre les lèvres ; quand il fait chaud on transpire. Bref, un bon bouillon d’images et de psychologie le tout servi sur un plateau d’exotisme violent comme seule peut le représenter la Russie.

Toi, toi mon toi. Bien qu’il nous parle de sexe, d’errance ou de désespoir, de lutte avec les autres autant que de lutte avec soi-même, toute la violence de la vie de Limonov est retravaillée avec la bienséance du reportage, un reportage qui a l’ambiguïté de loucher vers une prose complaisamment descriptive.

Dans cette narration efficace, les comparaisons subtiles mais nombreuses que l’écrivain fait du personnage et de sa vie ne semblent là que pour souligner un constat pertinent : un écrivain aux idées extrémistes, russe, exilé et engagé dans l’opposition,  qui a une vie plus mouvementée que celle d’un écrivain français, parisien de surcroit.

Ces derniers éléments étouffent le personnage d’une subjectivité envahissante. Ce n’est plus Limonov, c’est une impression de Limonov par Carrère, avec ses centres d’intérêts, sa vision du romanesque, sa rigueur toute relative dans le choix des extraits de vie racontés. On est plus près de l’intimité de Carrère que de celle de Limonov.

Subjectivité exacerbée ou style ?  A chacun de définir si parler de soi en parlant d’un autre est de l’opportunisme ou de la sincérité.

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