Découvrir ou redécouvrir…
La Moustache, Emmanuel Carrère, 1987
« Que dirais-tu si je me rasais la moustache ? » C’est sur cette question anodine, posée à son épouse Agnès, que le héros de La Moustache nous plonge dans une histoire aussi palpitante qu’angoissante. Il mène une vie de couple paisible, ponctuée par un rituel quotidien qui consiste à se raser minutieusement, sans toucher à sa moustache. Le roman débute sur un coup de tête : pour la première fois depuis cinq ans de mariage, il va la raser. Seulement voilà, personne ne remarque rien. Ni Agnès, ni leur couple d’amis, ni les collègues de travail, pas même le patron de tabac du coin. Le doute s’immisce. « Tu sais bien que tu n’as jamais eu de moustache », finit par lâcher Agnès après une scène de ménage. Commence alors un véritable cauchemar éveillé, une perte de repères vertigineuse qui entraînera le héros jusqu’à un point de non-retour…
E. Carrère maîtrise parfaitement les codes du thriller psychologique, jouant avec nos nerfs comme avec ceux de son personnage. Il fait le pari de nous donner le tournis avec une seule et même question, qui en appellera d’autres : le mari d’Agnès a-t-il oui ou non jamais eu une moustache ? On entre dans sa tête, mais on ne sait jamais où on se situe : dans l’esprit d’un schizophrène ou dans celui de la victime d’une immense supercherie ? Qui est fou ? Lui, ou les autres ? La tension croissante, amenée par le style toujours élégant de l’auteur, fait qu’on ne lâche pas le livre, jusqu’à cette chute magistrale, aussi épatante qu’imprévisible, qui nous laisse sans voix.
Le roman a été adapté au cinéma en 2005 par Emmanuel Carrère lui-même, avec comme acteur.rice principal.e Vincent Lindon et Emmanuelle Devos. Le film a été présenté au Festival de Cannes.
Par Audrey Paillasse
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