Sarah, le 20/07/16
Attention, spoilers.
Exposition. Au-delà des étoiles. Le paysage mystique de Monet à Kandinsky.
Comment entrer dans un paysage, thème privilégié des peintres, sans s’y perde ? Dans la profusion des toiles qu’offrent le thème, l’exposition choisit judicieusement une entrée : celle du mysticisme dans les tableaux de la fin du 19ème et début du 20ème.
On a connu ces dernières années des expositions riches mais un peu fourre-tout à Orsay qui essayent de tout montrer et de tout dire d’un thème assez large. Ici, mettre des bornes temporelles et thématiques permet de se concentrer sur l’essentiel : l’émotion que procurent certaines œuvres en nous montrant des paysages naturels ou urbains, presque désertés de figures humaines. Les œuvres d’un même peintre sont souvent regroupées – ou peu espacées – ce qui nous permet de « passer un peu de temps » avec un peintre, d’avoir le temps d’apprécier son travail.
Le chemin de l’exposition, qui nous mène jusqu’aux étoiles, montre différentes façons d’envisager ce « mysticisme », cet « au-delà du paysage ». L’ancrage théorique est bien posé avec des peintres qui comme Kandinsky qui ce sont intéressés au Spirituel dans l’art, le thème est également illustré de manière presque explicite avec des peintres peignant des figures religieuses dans les paysages, ou encore en lien avec la poésie et les correspondances de Baudelaire. L’exposition se clôt, là encore habilement, entre un « au-delà » qui est celui de la guerre – donnant des airs d’apocalypse au paysage tout en le défigurant – et celui de l’univers, qui défie les formes terrestres.
La scénographie est habilement menée. L’entrée dans l’exposition n’est pas introductive, elle frappe directement, à peine a-t-on posé le pied dans la première salle que l’on trouve à sa gauche les quatre tableaux de Monet dépeignant, en des temps et avec des harmonies de couleurs différentes la cathédrale de Rouen, et à sa droite, les meules, à la fin de l’été et sous la neige. Ces deux séries de tableaux accueillent dans l’exposition et poignent, immobilisent (créant d’emblée un bouchon dès l’entrée !), on repartirait presque après les avoir vues tant elles semblent tout dire de cet « au-delà des toiles », tant elles happent le regard vers un horizon de couleurs, capables de renvoyer une émotion, si ce n’est mystique, artistique ou poétique. Monet s’est d’ailleurs défendu, pour les Nymphéas dont on trouve trace un peu plus loin, d’être autre chose que « réaliste ».
L’on se meut dans les différentes salles de telles façon à entrer parfois directement dans un paysage. Peut nous attendre, plus discrètement, dans le coin d’une pièce, un tableau qui nous mène sur le silence de la place Saint-Marc (La Place Saint Marc au crépuscule, Henri Le Sidanier). La dernière salle, ovale, se rapporte à un cosmos représenté sous des formes circulaires, du soleil de Munch à la toile ronde de Giacommetti. L’on peut s’asseoir et se laisser bercer par l’ « unanwsered question », en savourant les dernières lueurs de l’exposition.
Peut-être que des professionnels de l’art trouveront le thème trop scénarisé (on a même été enclin a parlé de « spoilers ») ou simplifiée. Mais j’ai trouvé belle l’exposition, simple et maline car elle laisse le temps de retenir certaines œuvres, d’en être ému et le parcours est rendu intelligible. L’on peut trouver cette fin dans le cosmos assez grandiloquente, et j’aurais peut-être aimé terminé dans un plus grand dénuement, peut-être avec une mystique qui n’est que la poésie réaliste de Monet…
L’on peut se dire ainsi la boucle et bouclée, et qu’avec le paysage, les peintres imposent – comme d’ailleurs les poètes à la même époque, la tension de lignes d’horizon, de lignes courbes, dans la fixité et la quadrature du cadre, à l’origine peut être, de nos émotions.