Annie Welter | Jusqu’au dimanche 10 décembre, la poésie de Louis Aragon s’empare du Studio-Théâtre d’Asnières. Avec Elsa, le Collectif La Capsule clôt la sixième édition du festival de jeunes compagnies, Mises en Demeure.
Après moult péripéties dans la fameuse ligne 13 du métro, nous poussons enfin les portes du Studio-Théâtre d’Asnières-sur-Seine. C’est un lieu chaleureux et lumineux qui nous accueille, avec son bar et ses canapés moelleux. Un groupe de scolaires s’impatiente d’entrer dans la salle pour la première d’Elsa.
« Tandis que je parlais le langage des vers
Elle s’est doucement tendrement endormie
Comme une maison d’ombre au creux de notre vie
Une lampe baissée au cœur des myrtes verts »
Louis Aragon, Elsa, 1942
Louis Aragon rencontre Elsa Triolet à la fin des années 1920 et l’épouse en 1939. Leur amour est une grande source d’inspiration pour le poète surréaliste, qui ne cessera d’écrire sur sa femme qu’à sa mort. Paul Meynieux et le Collectif La Capsule se sont emparés de La Chambre d’Elsa, recueil de poèmes écrit en 1959, et l’ont transformé en un projet contemporain théâtral, sensible et musical. La question de la fidélité au texte est très présente dans la mise en scène, mais l’interprétation des vers et leur actualité reste centrale. Sur scène, ils sont cinq hommes et une femme pour transmettre leur vision du texte poétique, leur vision de cette relation amoureuse passionnée.
Sur le mur du fond, des portraits dessinés, des vers écrits au feutre. Par terre, des livres. Un piano et une guitare viendront compléter ce décor visuel et sonore. Entre lecture de textes et restitution de notes d’intention sur scène, la chambre d’Elsa prend vie sous nos yeux, progressivement. On parvient à projeter notre image d’Elsa, de Louis, et de leur relation dans ce décor intimiste. L’équilibre entre imagination du spectateur et décor de scène est parfait. Les lumières tamisent subtilement l’atmosphère, soulignent la jalousie, l’inquiétude, la sérénité, la passion. Le noir complet est judicieusement utilisé et permet de s’immiscer dans l’intimité du couple. Tous les volets de la relation du poète avec sa femme sont dépeints, presque décortiqués, mais toujours poétiquement. Les comédiens incarnent Louis successivement, puis reprennent leur propre rôle de comédien confronté au texte et aux enjeux de mise en scène. Ils restituent les pensées de Louis face à Elsa, d’Elsa face à Louis, d’Elle et de Lui. L’aller-retour permanent entre le poème et les explications scéniques donne du rythme au spectacle, libère la parole et allège les vers du poète.
Porter la poésie sur scène est un véritable défi, que le collectif relève avec brio. C’est justement ce genre de projet que le festival Mises en Demeure soutient, avec pour ambition d’encourager les jeunes compagnies à innover, et en les accompagnant vers la professionnalisation. Une noble cause, une pièce réussie, un lieu accueillant : tout est là !
Elsa joue du 7 au 10 décembre au Studio-Théâtre d’Asnières-sur-Seine.
Plus d’info et réservations : http://www.studio-asnieres.com/elsa