Sarah Chopin ∣ Journalistes, citoyens, lanceurs d’alerte et, pour la première fois, un chercheur ont été récompensés pour leurs actions en faveur de la lutte contre la corruption, lors de la soirée annuelle de remise des prix d’Anticor, vendredi 26 janvier.
« Un anticorps, c’est une protéine indispensable au système immunitaire, de la même manière que les garde-fous sont indispensables à la vraie démocratie. » C’est par ces mots que la comédienne Marie-Claire Neveu a inauguré la soirée de remise des prix éthiques et des casseroles 2018 d’Anticor, association de lutte contre la corruption. Déjà présente pour l’édition 2017, je n’ai pas été déçue par la cuvée 2018. À l’écoute des témoignages poignants, révoltants, inspirants, il était aisé de passer du rire aux larmes, de la colère à l’espoir.

C’est la gorge serrée et les larmes aux yeux que la salle, pleine à craquer, a tout d’abord écouté, ébahie, le témoignage d’Alain Gautier, récipiendaire du premier prix de la soirée et, probablement, auteur du discours le plus émouvant de la cérémonie. Lanceur d’alerte et syndicaliste, il a décidé, un jour, de dénoncer les agissements de son employeur, l’entreprise de transports publics pour personnes handicapées Vortex. L’homme, lui-même, avait grand mal à retenir ses larmes lorsqu’il évoquait les six années de menaces qui ont suivies ses révélations (entre autres, retenues sur salaire, procédures de licenciement, attaques pour diffamation…). Si vous voulez en savoir plus sur cette histoire, je vous conseille d’aller voir cet article de l’Humanité.
Cette cérémonie a également été l’occasion de récompenser, pour la première fois, un chercheur. C’est, en effet, Adrien Roux, auteur d’une thèse sur la corruption internationale et sa répression, qui a reçu le deuxième prix de la soirée. Il a tenu a rappeler que « le combat contre la corruption est d’abord un combat contre l’hypocrisie du droit ». Un droit qui oublie parfois de rendre justice, au vu des peines de prisons non effectuées et des amendes impayées.
La suite de la soirée était tout aussi captivante. Mais plutôt que de continuer dans un long et fastidieux compte rendu de chaque prix remis, je préfère vous faire découvrir ceux qui ont été mes deux gros coup de cœur.

Le premier, est Médiacités, un journal en ligne local qui couvre les actualités de Lille, Nantes, Toulouse et Lyon. Composé de journalistes qui revendiquent leur « goût des territoires », ce journal a la particularité d’avoir fait de la corruption locale son cheval de batailles. Des exemples ? Cette enquête sur des soupçons d’emploi fictif au Valenciennes FC. Ou cette autre enquête sur les ventes de pesticides dans les Hauts-de-France. Une belle initiative et une manière innovante de concevoir le journalisme.
Une autre initiative que j’ai particulièrement appréciée, est le collectif « Regards citoyens », une association « de citoyens de tous âges et régions » qui propose, via son site internet, « un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques ». Par exemple, leur outil « Nos Députés » permet un aperçu de l’activité parlementaire de nos élus. J’ai fait l’expérience avec la députée de ma circonscription, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est particulièrement active sur de nombreux points (interventions en commission, propositions de loi écrite…).
Parmi les autres récipiendaires, on retrouve une journaliste de Médiapart, deux parlementaires signataires d’un livre sur l’évasion fiscale, mais aussi une autre journaliste auteure d’une enquête sur le business des contrôles routiers…
Deux casseroles – prix qui pointe les mauvais comportements – ont été attribués, dont une « triple casserole » décernée à notre ex-ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas. Il a notamment été pointé du doigt pour avoir soutenu un amendement qui permettait un délai de prescription pour les délits de corruption ; pour avoir violé le secret de l’instruction dans une affaire qui visait son ami Thierry Solère ; et enfin, pour avoir acheté sa permanence parlementaire avec de l’argent public, avant de faire condamner un citoyen qui avait dénoncé cette manœuvre.
Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille vivement d’aller faire un tour sur le site de l’association.
Quant à moi, cette soirée m’aura appris une chose : changer un petit bout de monde c’est déjà faire un pas de géant. Et en plus, c’est à la portée de tous, même de simples étudiants comme nous !