Lise Journat, le 27/04/12
Lundi matin. J’entends mon voisin sortir de chez lui, je l’attends en tenant la porte au-delà du dizième de seconde réglementaire français.
Il me lance un regard d’une surprise réprobatrice si déconcertante que j’en bafouille une justification :
« En fait… Je viens de rentrer de Belgique… »
Son regard redouble d’incompréhension et me frappe d’inanité.
Afin que mes lecteurs me soutiennent dans mes aspirations à la sociabilité face à mon voisin suspicieux, voici quelques extraits de mon carnet de voyage en Belgique dans lesquelles ils trouveront, je l’espère, de quoi comprendre ma patience vestibulaire.
Vendredi soir.
Arrivée à la Gare du Midi, je cherche à me rendre à la Gare Centrale. Une femme, me voyant désorientée, m’accompagne jusqu’au train et me remet entre les mains d’un contrôleur, qui, à son tour, fait le trajet avec moi et descend du dit train pour me mener à la sortie en toute bonté d’âme. Là, alors que j’attends mon ami, un jeune homme vient me faire la conversation : « en veut-il à ma vertu ou à mon téléphone ?». Ni l’un, ni l’autre, le garçon s’intéressant moins à l’obtention de mon 06 qu’à mon rapport à la langue française, qu’il parle d’ailleurs mieux que moi bien qu’il soit flamand.
Mon ami arrive, un journaliste en hypertension… Du moins, avant qu’il mette le pied dans ce pays ! Je le retrouve détendu et sifflotant les airs des groupes folkloriques qui sillonnent le centre-ville.
En dix minutes, il me fait remplir mes obligations touristiques : Manneken-Pis, vu ! Grand-Place, c’est fait !
Il m’emmène dans un restaurant (fastueux !) traditionnel, Aux Armes de Bruxelles où des serveurs fantasques, sortis tous droit d’une BD, la jouent à l’ancienne : quand on leur demande de « splitter » (diviser) l’addition, mon ami se retrouve avec 50 euros à payer et moi… 30 ! Et pour toute réponse à nos regards interloqués : «L’alcool, c’est pour le monsieur ». Bon… Après ça, tournée des bars et sociabilité avec des Bruxellois convaincus. On finit chez Madame Moustache, bar dansant tapissé de grandes glaces au plafond, et où le fumoir nous plonge dans un décor de salon littéraire du début du siècle.
Bilan : bière excellente ( conseil: goûter la Bourgogne de Flandres), pas chère et adresses inter-individuelles démultipliées.
Samedi.
Visite du quartier des Marolles. Après une descente bruxello-momartroise : beau panorama, joueurs d’accordéon, et en guise de funiculaire, un ascenseur, on arrive rue Haute. Une sorte de quartier bobo bruxellois : friperies, galeries d’art, restos bio… On se retient de demander du jus de goyave mais on sirote toute de même une soupe bio dans un bar ( => ce n’est pas seulement une pratique bobo, à Bruxelles, les bars servent souvent de la soupe, parole d’autochtone).
Pour avoir un horizon sociologique complet de la ville, on se dirige vers les Sablons, quartier bourgeois. On s’arrête devant la boutique du fameux jeune chocolatier Patrick Roger. Mon ami m’explique que son
atelier est à Sceaux (92) et que là-bas, les prix sont plus bas :
« Pas du tout, ce sont les mêmes prix ».
Nous retournons vers la voix contestatrice qui n’émane de personne d’autre que… Patrick Roger en personne avec qui nous discutons chocolat transfrontalier quelques instants.
On continue notre marche dans les charmants petits parcs bruxellois et en tous clichés, on s’arrête pour quelques frites à une friterie ambulante. On veut aller traîner dans les boutiques de BD, mais à 19h, un samedi, tout est fermé. Reste à boire une bière : de l’authentique
kwak chez Toon (où l’on joue par ailleurs des spectacles de marionnettes en bruxellois).
Dimanche.
Marché-brocante sur la place du Jeu de balle, où l’on trouve les objets les plus insolites. On reprend la rue haute et l’ascenseur pour passer devant le parlement : selon notre guide, bon plan de s’y faire
juger, on n’en compte plus les évadés… Notre guide : une amie de mon ami, qui nous emmène dans sa maison, gigantesque de colloque à sept avec cuisine au sous-sol (qu’elle nomme « cuisine dutroux »… bon) et quatre étages… Des pièces immenses qu’elle loue pour 400 euros dans le charmant quartier des Etangs de Flagey où l’on se pose avant que je remonte dans le car qui me ramène vers la France.
Bref ; lundi matin, j’affiche l’indécence d’un sourire dans le métro…Que je réprime assez vite, après tout, l’insociable sociabilité affichée des compatriotes parisiens à aussi son charme, non ?
NB : désolée pour les clichés véhiculés ici, œil de touriste oblige!
=> Toutes ces aventures moyennant 45 euros pour un aller-retour en car.
vidéo sur les bobos bruxellois: http://www.youtube.com/watch?v=_WhvsrdVCnU