Guillaume Collet, le 12/12/12
Prise d’otage en noir et blanc.
Tabou
De Miguel Gomes.
Cela sent le tabac d’antan, celui que fumaient de jeunes gens au milieu du XXe siècle. Calmes, avachis sur des restes d’empires, ils consument leur jeunesse presque plus romanesque. Cela sent les malles pleines de vieilles photos, qui toujours tiendront ce romanesque en vie.
Michel Gomes montre son affection admirative pour les silhouettes fatiguées par le temps, un intérêt pour la ride, comme un fil qui mène aux histoires d’avant. De ce temps où les blancs faisaient, encore plus, ce qu’ils veulent en Afrique, et que cela rendait exotique chaque cocufiage. Une fascination aussi pour les figures solaires de jeunes aventuriers, de jeunes femmes adultères.
Plus symbolique qu’onirique, plus maniéré que libéré, le film, se construit sur un objectif audacieux, ouvrir sur des vieux dans un monde moderne, et raconter leur jeunesse dans un monde vieilli, lui, par ses pratiques colonialiste. Le fond d’écran à tout cela, est une
Afrique que l’on souhaite sauvage, le crocodile de dix centimètres parfois sort de sa baignoire, sans concession avec le réel, le noir et blanc est prenant, maitrisé, abouti. Les plans de jungle sont là pour l’extase, les personnages pour l’amour.
Ici, le rêve est ténu, comme les indigènes à l’esclavage, au rendement. Robe légère sur vélo. La femme est là, objet idéal, pour la bagatelle et la procréation. Chemise ouverte sur torse imberbe et moite, apologie du marcel, rock’n roll frémissant, moustache et regard de braise. Les hommes sont là aussi pour prendre les femmes sous les moustiquaires.
Tais-toi et rêve en règle! Semble lancer le réalisateur au fil de ses beaux et longs plans. Sans identités, ses personnages ne peuvent faire un pas sans en rappeler d’autres, cela ravi ou agace.
L’amour traîne ici sa banalité narrative, écrase les tentatives remarquables sur la voix off. Et l’image mal servie par cette histoire, malgré sa beauté ne peut compenser la mécanique prévisible des cœurs.
Film fable, film faible, le calme assassine le rythme, laisse le temps d’admirer cette atmosphère d’opérette, et toujours et encore ce grain, cette image, trop belle pour ne pas être louche.
J’ai beaucoup apprécié ta critique Guillaume. Intéressant qu’elle donne envie de voir le film malgré le verdict final. Comme si c’était elle qu’on espérait retrouver en assistant à la projection.
Nous invitons d’ailleurs les lecteurs à aller directement prendre un café avec Guillaume. ça fera toujours 5 euros d’économie.
Puis je suis beaucoup plus drôle que le film.
Je confirme.
Petite critique qui contraste avec les articles dithyrambique qu’a pu avoir le film. C’est appréciable.
Critique bien écrite mais peut être un peu m’as tu vue. Comment repprocher à un film un manque « social » alors que ce n’est pas son propos…tabou veut nous faire réver, et pour cela quoi de mieu que des « clichés » qui sont ici plus élégants que grossiers. Pour l’aventure il fallait retourner voir crocodile dundee.
Plus que le manque social, c’est le fait que le cinéaste semble se regarder filmer dans une complaisance agaçante qui est ici en cause. De plus, Tabou veut-il faire rêver, vraiment ? Une jeune femme qui s’ennuie dans une jungle où elle n’a pas sa place, des jeunes hommes à la beauté conventionnelle à en devenir presque fade, un crocodile ridicule… Le film commence quelque chose d’intéressant, mais ne va pas jusqu’au bout de sa réflexion, il préfère soigner ses noirs et blancs (sans jeu de mot), ça se sent et c’est un peu dommage.
Quant à renvoyer à Crocodile Dundee simplement parce qu’on ose accuser le film de longueurs, c’est assez hypocrite…