Un américain à Paris 3

© EOB 2012 Production Images
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L’artiste américain Robert Wilson a reçu mardi 19 novembre le titre de Docteur Honoris Causa des mains de la présidente de Paris 3. L’Institut du Monde anglophone (5 rue de l’école de médecine) servait de décor à la cérémonie.  

T’es à Paris 3 et tu connais pas Bob Wilson ? Non, mais ALLO… Quoi ? C’est la rubrique culture ? Oups.

Etudiants de la Sorbonne Nouvelle, vous avez sûrement entendu parler de la venue de l’artiste américain au sein de votre chère université (au moins sur la page d’accueil du site…). Un certain Robert « Bob » Wilson. On peut admirer sa chambre au Musée du Louvre jusqu’au 17 février.  Bon. What else ? Lady Gaga adore ce qu’il fait. Ah, mais c’est bien sûr ! 

Plus sérieusement, ce monsieur de 72 ans est l’un des artistes visuels les plus influents de sa génération. Une petite bio s’impose. Né à Chicago en 1941, il côtoie l’avant-garde américaine et crée ses premiers spectacles à New York avant de devenir célèbre du jour au lendemain en présentant Le Regard du sourd (Deafman Glance) en 1971. Il fait alors du silence le fil rouge de son art. Depuis sa consécration avec l’opéra Einstein on the Beach en 1976, l’artiste signe nombre de mises en scène (parmi les plus célèbres : La Flûte enchantée de Mozart en 1991, Orlando de Virginia Woolf en 1993…) ainsi que les décors et lumières d’une centaine de spectacles de par le monde. Peintre, architecte, artiste visuel… Aucune définition ne semble suffire à résumer son oeuvre.

Mardi 19 novembre, Paris 3 a voulu ajouter une pierre à l’édifice Bob Wilson. Rien de moins que le titre de Docteur Honoris Causa. Titre qui permet, selon Frédéric Maurin, maître de conférences à l’Institut d’études théâtrales, « d’être docteur d’université » et par là même de contribuer au « rayonnement de Paris 3 ». Plutôt classe. Surtout que l’université a déjà décerné le titre à d’autres artistes exceptionnels par le passé, comme Umberto Eco, Wim Wenders… Modeste, le principal intéressé a dit, d’après Frédéric Maurin, « Si mon père savait que je reçois un prix de la Sorbonne, il serait ébahi. » Quoiqu’on en pense, étudier à la Sorbonne vaut son pesant d’or.

Éloges, silences, et Isabelle Huppert : tout un programme

17h45. La pression monte avant l’arrivée de Bob Wilson. Les organisateurs et bénévoles s’agitent. Dans l’amphithéâtre, deux comédiens se préparent. Leslie, étudiante en M2 études théâtrales, s’occupe de placer les invités : les proches de l’artiste au premier rang, les professeurs au second. « Les professeurs et les maîtres de conférence portent une toge [ndlr : jaune et mauve]. C’est le decorum ! Les docteurs d’université, eux, portent un ornement supplémentaire. » Ornement qui va d’ailleurs tomber de l’épaule de Robert Wilson au cours de la cérémonie !

18h. Pensant son allocution, la présidente de Paris 3, Marie-Christine Lemardeley, est visiblement émue. Sur la petite scène, Robert Wilson a tout l’air d’un géant. Sur un des murs de l’amphithéâtre, un extrait de Hamlet (1994) est projeté. Puis, c’est au tour de la comédienne Elsa Bouchain de prendre le relais pour un extrait de « Performance in Progress » de Charles Chemin, metteur en scène et ami de R. Wilson. Des mots, des gestes, des carrés… Et du silence, surtout.

Sous un tonnerre d’applaudissements, Isabelle Huppert s’approche du micro. En anglais, elle rend hommage à celui qu’elle considère comme « la personne la plus importante qu’elle ait jamais rencontrée ». C’est l’actrice qui interprétait le rôle du transexuel Orlando dans la pièce éponyme en 1993. Elle en lit d’ailleurs quelques extraits.

Après « l’éloge de Monsieur Robert Wilson » par un professeur de l’université (Josette Féral) et un maître de conférences (Frédéric Maurin), à l’artiste américain de prendre la parole. Ou plutôt de se taire. Car, une fois son diplôme remis, Robert Wilson est resté muet pendant quelques minutes face à l’assistance. Le regard intense, il ne bronche pas. C’est comme s’il posait une question sans même énoncer un mot. Comme s’il interrogeait le sens du mot « spectacle », alors même qu’il s’agit d’une cérémonie on ne peut plus conventionnelle. Comme si l’artiste et l’homme étaient indissociables. Bref.

Son discours de remerciement est en tout cas à son image : imposant, drôle et … perturbant. On n’en sort pas indemne. Mais l’émotion, comme souvent dans ces moments-là, est au rendez-vous. Helen Hamer, « sa dramaturge » (sic) pour 25 de ses mises en scène, s’est dit « fière de lui. » « Il voulait recevoir ce prix, » a-t-elle ajouté.

Emeline Cocq

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