Paulina GM,
le 27/02/13
IDA
de P. Pawlikowski
avec Agata Trzebuchowska et Agata Kulesza
Les films en noir et blanc de nos jours sont rarement justifiés et relèvent surtout du fantasme des réalisateurs (Frances Ha). Ida est un petit miracle à part où Pawel Pawlikowski allie brillamment forme et propos justifiant chacune de ses scènes, imposant le noir et blanc comme la seule couleur envisageable pour ce long-métrage.
A l’aube de prononcer ses vœux Anna, jeune polonaise élevée dans un couvent, découvre qu’elle s’appelle en réalité Ida. Ce prénom vient tout bouleverser, révélant l’origine juive de la nonne qui rencontre sa tante, seule survivante de sa famille lors de la seconde guerre mondiale.
Le voyage que vont mener les deux femmes pour découvrir ce qui est arrivé à leurs proches est celui d’une impossible conciliation entre fantômes du passé et rédemption des vivants.
L’image 4:3 ne centre pas les personnages mais leur offre deux lignes de fuite. Au dessus d’elles le ciel, Dieu. Derrière elles les vagues étendues, le néant prêt à les engloutir. Tout le long du film Ida et Wanda tenteront de fuir en voiture, à pied, jusqu’au dernier retournement brutal de Wanda.
La tante Wanda, magnifiquement interprétée par Agata Kulesza, est une juge soviétique dont la vie ne tient qu’aux verres d’alcool et aux aventures charnelles qu’elle enchaîne. Elle survit en envoyant des opposants au régime en prison, se vengeant silencieusement de tous les hommes, devient elle-même bourreau des innocents. Ida ne sait d’abord pas se mesurer à cette tante apparemment libérée avant de saisir son extrême
perdition, sa solitude.
Chaque scène compte pour comprendre le poids du passé et l’impossible futur. Paweloski dans son noir et blanc absolu inscrit les personnages dans une temporalité ineffable où le pardon et la haine n’ont plus leur place. Les mots se font rares, s’effacent comme les témoignages d’une Pologne collaboratrice aux crimes nazis. Les sentiments humains ne peuvent plus être, Ida dans une fin radicale choisit de survivre sans eux.
Une poésie sans aucun artifice qui touche à l’Histoire comme aux histoires, c’est ça le grand cinéma.