Un premier livre à 19 ans, un livre surprenant !

Evan Grégoire livre une interview à Nouvelles Vagues à l’occasion de la sortie de son premier roman prometteur. Un livre, un auteur, et un système d’édition original à découvrir.

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Bonjour Evan, et merci de nous accorder ta première interview pour ton premier livre, Récits nosthélgiques. Il doit paraître courant Avril chez Edilivre, c’est ça ?

-Bonjour à toi! D’abord merci de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer ici ! Et oui, mon premier livre sort dans quelques semaines ; je suis très enthousiaste à l’idée de le tenir dans les mains, vraiment. Jusqu’ici, je n’ai eu que des paquets de feuilles vaguement reliées chez l’imprimeur du coin, alors avoir mon livre, achevé, sans annotations, ce sera une expérience inédite!

Depuis combien de temps travailles-tu sur ce projet?

En fait j’ai commencé à écrire dans un atelier à Sciences po Paris, où je suis étudiant. Je ne sais plus si c’est la Sorbonne qui proposait cet enseignement à vrai dire… C’était sur la thématique de la ville, en tous les cas, et je voulais allier un renouvellement du genre autobiographique à la description des lieux qui me sont chers (ceux de l’enfance essentiellement). En bref, se décrire soi, l’intime, par le biais de la description de la ville, l’extérieur.

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Et comment tu es passé d’un écrit presque privé, dans le cadre d’un cours, à la publication ? J’imagine que ça n’a pas été simple, quand on a seulement 19 ans, de trouver un éditeur…

Oui, ça a un peu été le parcours du combattant, pour tout dire… J’avais initialement sollicité beaucoup de maisons d’éditions, mais, sans vraiment m’en rendre compte, ce n’étaient que des maisons à compte d’auteurs. En gros, il fallait payer pour être édité…

Donc, là, tu as dû payer?

Non, pas du tout ! Finalement c’est par un pur hasard que je suis tombé sur le site d’Edilivre. C’est un système d’édition très moderne, sans précédent, qui offre la possibilité d’être publié sans trop de contraintes. Le seul hic (parce qu’il en fallait bien un!), c’est que je m’occupe tout seul des relectures, par exemple. Je veux dire par là que personne de l’édition n’est chargé de corriger mon manuscrit – ce qui, il faut le dire, a aussi du bon!

Oui, c’est vrai que l’étape des comités de lecture, ajoutée à des relectures parfois sévères, est un peu fastidieuse. Mais j’ai vu que tu pouvais compter sur l’aide de tes anciens profs, à qui tu tiens beaucoup.

Oui, ils m’ont souvent soutenu, parfois cassé quand je le méritais ; mais leur présence au quotidien m’est vitale et je leur en suis infiniment reconnaissant…

Et dis-moi, comment t’est venue l’idée d’écrire une « autobiographie » ?

Je serais tenté, pour rire, de dire que c’est par égoïsme ! Mais c’est tout le contraire : si je suis moi-même la matière de ce livre, pour reprendre la formule de Montaigne, reste, évidemment, qu’au travers de mes souvenirs c’est le passé du lecteur qui transparaît.

Pourtant les textes sont clairement personnels et écrits à la première personne du singulier, non?

Oui, c’est vrai. Mais, comme j’essaie de le dire très vite dans un passage dialogué, ce « je » qui parle, c’est aussi le « je » de chacun. Un « je » universel, même si l’expression est oxymorique. Du reste, l’expérience de la perte de ceux que j’ai aimés renvoie, à chacun, la douleur viscérale que l’on éprouve, tous, quand quelqu’un décède. Grand-parents, amis, amants, qu’importe. La magie de l’écriture est aussi d’abord de faire ressentir, à quiconque a perdu un être cher, la perte du narrateur ; mais ensuite, et surtout, c’est qu’elle permet de transcender la situation du lecteur qui a la possibilité unique, par le livre, de vivre ce qu’il n’a jamais expérimenté. D’ailleurs, cet amour est autant homosexuel qu’hétérosexuel : au fond, qu’importe que je voie une femme ou un homme sous les traits des personnages désirés, pourvu qu’on éprouve la tension qui m’a habité, et en laquelle chacun peut se reconnaître.

C’est un peu livre non-genré, je me trompe?

Oui, c’est vrai. Bien sûr que j’écris au masculin ou au féminin, qu’une silhouette sexuée se dessine à la lecture du livre ; mais c’est le rapport à l’autre, le rapport à l’objet du désir, qui, lui, est universel.

En feuilletant le livre, je m’aperçois aussi que les lieux de l’action changent très souvent, je me trompe ?

Non, effectivement. On est tantôt à Avignon, ma ville d’adolescence ; tantôt à Valencia, ma ville d’exil quand j’étais plus petit, par exemple ; chaque paysage urbain est en fait pour moi un catalyseur de mes sentiments associés à une époque de ma « petite vie ». Quand je rentre encore à Avignon, j’ai l’impression de me glisser à nouveau dans ma peau de lycéen, je me vois presque le sac sur le dos allant à l’école…

Pourtant j’ai l’impression que, même si le titre est optimiste, certains textes laissent clairement penser qu’un retour en arrière (désolé pour l’expression pléonastique) est impossible.

Tu as raison. Je me suis beaucoup inspiré d’une analyse de Jankélévitch sur Ulysse. C’est un des personnages qui m’inspirent le plus. Il faut se remettre dans l’Odyssée, Ulysse n’a qu’un but : retrouver son lieu naturel, son chez soi pour le dire plus vite : Ithaque. Mais le tragique de cette histoire c’est qu’enfin revenu chez lui, Ulysse ne reconnaît rien. Objectivement tout a changé, des personnes sont mortes, Pénélope a vieilli, même l’île est différente. Et subjectivement c’est un autre homme, qui a vécu dix années dans la tourmente, qui aborde le monde. De façon plus triviale, c’est comme lorsqu’on est étudiant et qu’on part en Erasmus. Il faut le manque pour que renaisse le désir, pour comprendre que l’essentiel était chez soi, et pas dans un ailleurs qui n’existe pas. Mais, précisément, il faut le voyage, le manque, pour réaliser qu’on doit rentrer. Quand on rentre, et qu’on s’est décillé les yeux, c’est pourtant altéré, différent, qu’on aborde à nouveau notre ancien monde : quand on a compris combien il nous était cher, on ne peut plus le retrouver.

Voilà pourquoi on ne peut pas vraiment revenir en arrière…

Oui, mais de toute manière, je crois qu’il ne faut pas vouloir ce qui n’est plus. La beauté de la nosthélgie, c’est justement arriver à se souvenir, sans la regretter, d’une époque qui est révolue. Je ne dis pas qu’il faut, stupidement, être tourné vers l’avenir, en oubliant ce qui nous a façonné dans notre vie. Au contraire. Seulement, la condition de possibilité d’une vie dans le présent, d’une vie sur le modèle des stoïciens, au fond, c’est aussi de parvenir à s’abstraire des regrets.

Je dois dire qu’on a un peu dévié par rapport à l’interview initiale, mais je fais à mon tour le deuil de mes espérances passées!

Voilà qui est bien dit! Encore merci, j’espère malgré tout que ça donnera aux lecteurs l’envie d’entamer cette lecture, et de continuer ces réflexions.

Pour suivre la publication du livre : https://www.facebook.com/recitsnosthelgiques/?fref=ts

Bientôt sur Amazone, la fnac, édilivre…

Par Evan Grégoire

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