Notre rédactrice Annie Welter vous propose un :
Top 5 des meilleures pièces de théâtre de 2016
C’est l’heure du bilan ! L’année 2016 a beau avoir été sévère avec nos acteurs et chanteurs préférés, les scènes parisiennes ont bien tenu le coup et il y en a eu pour tous les goûts. Réécritures, adaptations romanesques, tragédies ou comédies légères, petit tour du meilleur du théâtre de l’année écoulée !
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Yvonne, princesse de Bourgogne
Mise en scène de Camille Faye
Baal Compagnie
D’après Witold Gombrowicz
Vu au Théâtre de Belleville

L’histoire Yvonne ne parle jamais, ne réagit à rien, est amorphe et sans beauté. Pourtant, le Prince de Bourgogne décide de l’épouser, par bravade. L’arrivée d’Yvonne à la cour bouleverse toute la famille royale, qui la malmène encore et encore, comme pour voir jusqu’où la jeune fille se laissera faire…
La pièce La mise en scène de Camille Faye laisse apparaître les coulisses, et ne lésine pas sur la violence, qu’elle soit verbale ou physique. La musique de Noze rythme les changements de décor, le tempo est impeccable : tout s’obscurcit à vue d’œil. On en ressort chamboulé – et c’est une bonne chose !
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Iliade
Mise en scène de Pauline Bayle
Compagnie A Tire D’aile
D’après Homère (forcément)
Vu lors du festival Impatience, à La Colline

L’histoire On part du principe que savez grosso modo de quoi il s’agit ! Ici, le récit se focalise sur les préparatifs de la Guerre de Troye, le siège, et s’arrête après la mort d’Hector.
La pièce Pauline Bayle a porté cette œuvre monumentale sur scène avec trois fois rien. Des paillettes en guise d’armures et des accessoires grotesques pour incarner les Dieux (Zeus est carrément cool avec son collier de gangsta). Des sceaux de sang, d’eau et de farine viennent symboliser le massacre sanglant. On alterne entre scènes poignantes, énumérations de qui-tue-qui-avec-quelle-arme, et des embrouilles hilarantes entre les Dieux. Magistral.
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La cantatrice chauve
Mise en scène de Judith Andrès
Cie Ubu Pop Corp’
D’après Eugène Ionesco
Vu au Théâtre de Belleville
L’histoire Deux couples, une bonne et un capitaine des pompiers dînent ensemble. Les Martins sont mariés, mais ne se connaissent pas. Les Smith s’emmêlent les pinceaux entre tous les membres de la famille Bobby Watson. La bonne et le capitaine sont secrètement amoureux. Comment dire… Ionesco, quoi !
La pièce Tous maquillés et habillés de la même façon, les personnages sont de véritables petits automates : à de nombreux mots sont accolés des gestes bien précis. Tout se répète, le rythme s’accélère, toujours plus, tout tient à un fil et la danse frénétique ne s’arrête que difficilement ! Quelques chaises, de (très TRES) nombreuses horloges et un poème sur le feu particulièrement enivrant : c’est simple, et ça fonctionne à merveille !
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Réparer les vivants
Mise en scène et interprétation Emmanuel Noblet
D’après le roman de Maylis de Kerangal
Vu au Théâtre du Rond Point
L’histoire Simon, 20 ans, meurt suite à un accident de voiture : on suit son transfert à l’hôpital entre la vie et la mort, son décès, la procédure du don d’organe, la transplantation de son coeur. Un roman plein de douleur, de compassion et d’espoir.
La pièce Emmanuel Noblet est seul sur scène pour incarner tous les personnages, des parents au receveur en passant par le chirurgien. Des images médicales presque féériques sont projetées en toile de fond, pour accompagner les détails de la procédure si complexe, expliquée sans aucune erreur médicale (on s’est renseignés !). Le temps presse, les heures défilent dans un coin de l’écran, tout s’enchaîne parfaitement. Pas facile d’aborder la mort sans tomber dans le pathos, mais là c’est parfaitement réussi, ça vaut la peine de pleurer un bon coup.
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2666
Mise en scène de Julien Gosselin
Compagnie Si vous pouviez lécher mon coeur
D’après le (sacré gros) roman de Roberto Bolano
Vu aux Ateliers Berthiers de l’Odéon

L’histoire 5 parties, 1 400 pages, plusieurs centaines de meurtres et viols de femmes, 1 seule ville : Santa Teresa, Mexique.
Quatre universitaires, spécialistes d’un certain Benno Von Archimboldi, partent à la recherche de l’auteur pour tenter de percer les mystères qui l’entourent. Leur enquête les mène à Santa Teresa. Un père, professeur de philosophie un peu paumé et fraîchement installé à Santa Teresa, voit sa fille plonger dans un gouffre émotionnel sans fin. Un journaliste américain arrive au Mexique pour couvrir un match de boxe, mais les meurtres de Santa Teresa font dévier son chemin. Récit détaillé de chaque crime et viol survenu à Santa Teresa. Et enfin, le récit de l’enfance de Benno Von Archimboldi, qui passe du front de l’Est durant la Seconde Guerre Mondiale, et Santa Teresa.
La pièce 11 heures de spectacle : 2666 est une expérience théâtrale et émotionnelle massive. La musique est tonitruante. L’écran géant qui retransmet des vidéos live de certaines scènes modifie la perception de l’intrigue. De grandes boîtes, opaques puis transparentes, sont l’outil clé de la scénographie. On met du temps avant de faire le lien entre toutes les pièces du puzzle, mais chaque entracte est l’occasion de chercher à y voir plus clair. Bref, difficile de résumer une telle pièce : il faut la vivre !