Marie-Amélie Huard de Jorna ∣ Les blocages de ces derniers jours, et aujourd’hui la fermeture de la Sorbonne-Nouvelle ont bouleversé l’organisation des étudiants à distance qui ont longtemps attendu des réponses concrètes. Les questions étaient également nombreuses et en son temps, un sondage avait été adressé à quelques étudiants de l’ENEAD pour cerner leurs attentes.
Depuis le début de la semaine n° 17, une semaine avant les examens de L1 Lettres modernes de l’ENEAD, la présidence a pris position et a décidé d’instaurer des partiels dématérialisés. L’organisation se met en place progressivement. Ces partiels à visée expérimentale permettent de pallier l’annulation des examens en présentiel. Ils nécessitent de planifier les mises en ligne des sujets en temps plus ou moins limité de manière à permettre la prise de connaissance des sujets et le dépôt des travaux sur tous les fuseaux horaires. La difficulté des sujets sera revue compte tenu des nouvelles modalités de travail.
Lorsque les cours et partiels se voyaient annulés, suite aux différentes AG, les étudiants à distance ont exprimé leurs inquiétudes. Nouvelles Vagues a interrogé certains d’entre eux.
En tant qu’étudiants à distance, souhaiteriez-vous pouvoir participer aux AG (dématérialisées par exemple) ? Quels messages souhaiteriez-vous faire entendre ?
Paul* : Bien sûr, il est essentiel que nous soyons informés des mouvements sociaux initiés par nos semblables en présentiel, nous sommes au même titre étudiants à la Sorbonne-Nouvelle.
Marcel : Je constate un manque de transparence, pas seulement au niveau des décisions prises ou même à prendre, mais avant tout sur l’actualité en temps réel du blocage. A distance, la visibilité de ce type d’événement n’est pas évidente. Nous ne sommes pas sur place pour juger du réel blocage ou non, de l’accès à la BU pour rendre un livre par exemple. La présidence informe au compte-goutte, ce n’est déjà pas si mal. Mais avant de parler de participation aux AG, des annonces préalables seraient bienvenues.
Ernest : En ce qui me concerne,je suis loin de Paris et je ne peux me permettre, économiquement, une longue grève. Je suis toutefois solidaire des cheminots, des fonctionnaires, des salariés en général et de tous les précaires,qu’ils soient « patrons » ou chômeurs, à condition que leurs revenus proviennent de leur entreprise, non d’action ou de participation. Je souhaite être non seulement informé des blocages mais je m’accommoderai fort bien de tout blocus et souhaite que tous se sentent concernés lorsque c’est leur avenir à long terme qui se joue, et non quelques notes de juin.
Le semestre touche à sa fin, quelle incidence l’existence du blocage crée-t-elle sur l’avancée du programme, sur les révisions ?
Paul : Une petite hésitation sur mes réservations de transports et logements… une latence… Et une crainte pour les examens.
Marcel : L’incertitude de savoir si les dates seront maintenues, repoussées ou que sais-je ? Terminer le programme sereinement reste la meilleure solution évidemment, que les partiels aient lieu aux dates prévues ou pas.
Ernest : Lorsque j’ai choisi d’étudier la littérature (pour d’autres ce sera l’histoire ou les langues mais le raisonnement est le même), c’était un projet de vie. Vivre un mouvement d’ampleur comme celui-ci m’aidera à m’identifier à tous ceux qui ont semé les graines de la révolte contre la domination quelle qu’elle soit. Je ne veux pas être le Victor Hugo de 1848 qui fait tirer contre les révolutionnaires, mais plutôt celui de l’exil et de la bataille contre la peine de mort. Je veux être les mots de Voltaire ou de Diderot contre l’arbitraire et qui contiennent les germes de l’égalité. Bref, je révise et je lutte.
Seriez-vous prêt à soutenir la fermeture de l’université ou au contraire à appuyer les demandes de levée du blocage ?
Paul : Plutôt d’appuyer les demandes de levée, au regard de la pauvre concentration de ce qu’on semble tout de même appeler des « manifestants », 50 étudiants (ou pas) sur plusieurs milliers d’inscrits au campus.
Marcel : Notre Voltaire originel aurait probablement soutenu le mouvement, enfin j’imagine. A vrai dire, je manque d’informations pour prendre position.
Ernest : Bien entendu je comprends que les quelques personnes qui ont payé un billet ou pris des jours de congés pour leurs exams car ils travaillent ou sont loin, comme moi, seront embêtés de perdre parfois plusieurs centaines d’euros chacun. Mais je ne doute pas que les organisateurs du blocus vont créer une caisse de grève quitte à demander le soutien financier des autres travailleurs. Reste à savoir où s’inscrire pour donner…ou recevoir !
En cas d’annulation de partiels, quelles solutions attendez-vous de l’Université ?
Paul : Une grosse indemnisation financière me semblerait indispensable. Les déplacements pour les étudiants à distance représentent un coût important ; tout comme le logement, transport, ainsi que des coûts indirects tels l’organisation familiale et les congés pour les travailleurs. De plus, un report et reprogrammation rapide des sessions, voire des points en plus pour s’excuser ?
Marcel : Une session à la rentrée pour bénéficier de plus de temps, la comptabilisation des points de DM pour la note finale, et en cas d’absence de contrôle continu, le passage en année supérieure ou éventuellement, refaire l’année sans mention de redoublement.
Ernest : Convoquer une AG profs/étudiants pendant les exams. Laisser s’organiser des cours spontanés pendant les partiels et ouvrir les salles à cet effet et vous verrez tous deviendront des forcenés de littérature au point que les exams n’auront plus de sens. Il ne vous restera plus qu’à donner les exams à tous, même aux schtroumphs râleurs et aux linguisticiens.
Le conseil de Nouvelles Vagues sur la bonne habitude à adopter : se concentrer sur les révisions, finir le programme dans la mesure du possible en fonction de la participation ou non au blocage et adopter une attitude positive et sereine. Consultez vos mails, la présidence de l’Université informe ponctuellement du maintien des blocages.
Propos recueillis par Marie-Amélie Huard de Jorna.
*Tous les prénoms ont été modifiés.