Lucile Massiot ∣ D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été bonne élève. Celle qui écoutait, retenait, apprenait tout, et en avait (malheureusement) fait sa définition principale. Aujourd’hui je me suis rendu compte du mauvais calcul que c’était, d’avoir laissé les autres me définir comme « un petit dico sur pattes ».
Lorsque l’on fait face à l’échec dans les études supérieures, on perd absolument toute notion de qui l’on peut être et de ce que l’on veut.
Petit flashback : à l’aube des inscriptions APB, impossible de me décider sur ce que je souhaite faire. On m’a constamment répété que je pouvais faire ce que je voulais. Commence alors ce que j’ai appelé « la valse des questionnements ». J’enchaine les salons spécialisés dans les choix des études, je multiplie les rendez-vous avec des conseillers d’orientation, je demande autour de moi.
Puis, de nulle part émerge cette envie de m’orienter vers une voie artistique, et pourquoi pas du cinéma. Je m’inscris sur APB, premier choix le Mirail – en rapport avec la proximité – et la Sorbonne Nouvelle.
En juin, je me vois acceptée à la Sorbonne Nouvelle et toujours sur liste d’attente à Toulouse. Bon, après un peu de forcing auprès de mon père, je fais mes valises et m’envole pour Paris.
Et c’est là que tout débute. Je ne connais personne et je suis loin d’être extravertie, je me contente d’aller en cours, de prendre des notes, d’aider mais je ne m’attarde jamais après un cours. Les retours à l’appartement le soir sont compliqués : je suis en colocation avec une femme plus âgée, stricte, et n’ayant aucune idée des horaires étudiants. La différence d’âge a vite créé des problèmes d’organisation que ce soit pour le ménage, les courses etc…
Je finis par rencontrer mon meilleur ami dans une réunion pour étudiants souhaitant réaliser des court-métrages et, quelques semaines plus tard, mon autre meilleur ami au cours d’une soirée organisée par notre professeur, présentant des courts-métrages. Nous avions fini comme figurants sur un tournage de François Ozon à deux heures du matin. Entre rires, musique et tournages, je venais de trouver mes repères.
Je n’avais cependant aucune connaissance du rythme effréné de la nuit parisienne. Nous passions des nuits entières à écouter des groupes jouer en live à la Guiness Tavern et c’était purement fantastique. J’avais l’impression de ne me forcer à rien, juste de réussir à profiter et vivre (ce qui, pour une personne anxieuse comme moi, était loin d’être simple).
Alors me voilà, délaissant peu à peu la fac au profit de mes soirées et de nos projets de groupe, me permettant d’oublier une question qui prenait de plus en plus de place : ce que je désire faire. Finir critique pour Télérama ou artiste incomprise, mourant de la tuberculose dans une garçonnière parisienne ? (J’exagère mais j’ai toujours été assez extrême dans mes raisonnements). Bien sûr, cette licence apportait d’autres options, mais le choix de mes amis d’abandonner la fac n’aurait pas dû être le vecteur de cette remise en question.
Je ne mangeais que très peu et je me suis mise à fumer. J’ai bien dû perdre une vingtaine de kilos à cette époque. J’étais rongée par l’angoisse de me dire que je me retrouverai seule sur le banc de touche, incapable de prendre une décision pour mon avenir. J’étais paniquée de me retrouver dans un bureau à pianoter pour des assurances maladies à cinquante ans.
Sauf que je n’ai pas réussi à dominer cette angoisse. Au cours de la deuxième et la troisième année, c’était devenu une obsession. Je multipliais les crises d’angoisses, désespérant de ne pas savoir quoi dire à mes parents à la fin de la licence, forts de l’expérience de ma sœur aînée, s’étant réorientée de multiples fois (ce que je considérais comme une tare à l’époque et que j’ai ré-évalué depuis).
Mon grand-père étant très malade, la peur de mourir est venue s’ajouter à toute cette anxiété. Et si je ne réussissais pas à faire tout ce que je voulais avant de mourir ? Si je n’étais pas assez douée ? Assez tout.
Je me contentais de me trouver des excuses plutôt que de tenter des choses. Et puis, j’ai cessé de me dire « stop » après ma rupture. Je me mettais en position où je ne faisais que subir la vie, constamment, au lieu d’agir.
Aujourd’hui je vais voir un psychiatre. Et non, ce n’est pas grave. C’est ce qui m’a en partie aidée à réaliser que je pouvais faire ce que je voulais et arrêter de me mettre la pression si je ne réussissais pas du premier coup. J’ai réalisé un court métrage cette année. Et il n’a pas eu de succès comme prévu suite à de nombreux problèmes mais ce n’est pas important parce que je me suis amusée à le réaliser. Je vais bientôt me consacrer à des projets autour de la danse. Et ce n’est pas grave si ça ne fonctionne pas parce que je continuerai d’essayer jusqu’à ce que ça marche.
Je suis réellement heureuse de m’être installée à Paris parce que je me suis confrontée à moi-même et à mes limites. J’ai appris à me découvrir au-delà de ma famille. Et même si cette ville peut m’exténuer par moment, je l’en remercie profondément.
Il faut, je pense, qu’une chose très importante soit plus enseignée : le fait de rater ne signifie pas que nous sommes des erreurs, le fait de ne pas savoir ne fait pas de nous des gens en dessous de tout ou des fainéants.
Nous avons de multiples caractères et nous sommes animés par de multiples passions. Et parfois cela prend plus de temps. Mais ne laissons pas l’angoisse de cette société trop rapide influencer notre santé mentale et physique. Laissons-nous le temps et les moyens.
Merde. Je peux modifier la fin ? Ça sonnait beaucoup trop Breakfast Club.
Je me reconnais un peu là. Javais de bons résultats mais aucune idée pour mon orientation. J’ai tenté la prepa pour dire que. Mais j’ai du quitter parce que je commençais peu à peu à tomber en dépression. En novembre j’ai rejoint la fac, mais j’étais exténuée et pas motivée. Pour l’heure, je ne sais toujours pas quoi faire pour les années à venir. Beaucoup de pression, beaucoup d’angoisses, timide, très introvertie, pas confiance en moi… Bref, je te comprend totalement