Un « Novo Futuro » environnemental pour le Brésil ?

Emma Flacard | Le 28 octobre dernier, le Brésil a affiché son nouveau président : Jair Bolsonaro. A l’heure où les yeux du monde entier – et monde occidental surtout – sont figés sur cette puissance de l’Amérique du Sud, point sur l’enjeu environnemental dans ce pays qui abrite 4,5 millions de km2 de forêt.

La grande absente du programme politique de Bolsonaro : une politique écologique. Un parti pris contre la défense environnementale


Le candidat aux élections présidentielles brésiliennes s’est attiré les foudres des organisations écologiques en affirmant son désir de retirer le Brésil des Accords de Paris sur le climat.
Une telle décision a surtout une portée symbolique, prononçant en quelque sorte la victoire des intérêts économiques des grands propriétaires sur les organisations de défense de l’environnement, telle que l’Ibama (l’institut de protection de l’environnement brésilien, qui lutte depuis plusieurs années contre la déforestation, allant jusqu’à créer une guérilla informelle). La volonté de regrouper les ministères de l’écologie et de l’agriculture confirme cette victoire ; étant donné le peu de place accordé à l’impératif écologique dans le pays du bois rouge (pau brasil), assembler ces deux ministères relève de l’incongruité. Aux antipodes l’un de l’autre, ils défendent des intérêts très différents ; donner la priorité à la défense des terres arborisées et ainsi limiter l’activité humaine intensive dans ces régions ou bien au contraire favoriser l’agrobusiness en autorisant des projets très coûteux environnementalement – et humainement- parlant.


Défendre les grands propriétaires, une longue ligne politique

La mainmise des grands propriétaires sur les forêts brésiliennes n’est cependant pas récente. Les grandes exploitations d’aujourd’hui sont d’une certaine manière les nouvelles fazendas c’est-à-dire de grandes exploitations au fonctionnement basé sur les sociétés féodales, très présentes au Brésil et en Amérique du Sud jusqu’au 19e siècle surtout.

 Sans la mise en place de politiques écologiques strictes, les immenses espaces boisés du Brésil sont menacés par l’activité humaine : par les forages miniers, ou encore par la construction de barrages.
Or, la dynamique d’avancée humaine sur la forêt est particulière au Brésil, et se caractérise par un front pionnier. Il s’agit de déboiser pour vendre du bois, des minerais, parfois du pétrole. Ces activités à but hautement lucratif semblent à première vue beaucoup plus alléchantes que la défense de la biodiversité abritée par l’Amazonie. Néanmoins, autoriser une plus grande extension des terres agricoles sur la forêt aurait des conséquences dramatiques pour le « poumon de la planète ».


Un refus de considérer les populations autochtones ?

Menacées par l’exploitation intensive des sols brésiliens, les populations autochtones seraient les premières victimes du programme politique de Jair Bolsonaro. Laisser libre cours à la déforestation serait en effet dévastateur pour les populations locales, souvent contraintes de se déplacer, d’abandonner leurs terres. Cette conjoncture est toutefois déjà en oeuvre dans de nombreuses zones de l’Amazonie. Ainsi, dans l’Etat de Para, la construction du barrage de Belo Monte* par le consortium énergétique Norte Energia impacte directement les populations autochtones vivant sur les rives de la rivière Xingu. Subsistant notamment grâce à la pêche, ils seraient les premiers touchés par le changement de composition de l’eau de la rivière. Les Indiens Juruna ont alors tenté de s’opposer au projet de construction menaçant leurs terres (et les menaçant d’expulsion) et leur mode de vie, sans succès. Malgré une vive mobilisation internationale et des manifestations nationales de communautés amérindiennes notamment, la construction fut maintenue. En contrepartie, le gouvernement brésilien prévoyait de distribuer des indemnisations à ces populations ; une manière d’acheter leur accord…  

 Cet exemple illustre la situation fragile des populations amérindiennes au Brésil, souvent peu écoutées. Malgré l’émergence d’un mouvement politique amérindien qui défend leurs intérêts, la situation des Indiens du Brésil est éclatée, notamment dû à l’hétérogénéité de ces populations. Réparties dans plus de 305 ethnies différentes et parlant 274 langues, elles n’ont pas toutes les mêmes revendications. Toutefois, des organismes tels que la FUNAI (Fondation National de l’Indien), tentent de regrouper les demandes, en délimitant par exemple les territoires amérindiens. Ce type d’action sera probablement annulé avec l’élection de J.Bolsonaro ; ce dernier souhaite en effet retirer ce droit à la FUNAI.

Pour toutes ces raisons, le « Novo Futuro » promis par le nouveau président pour son pays semble laisser de côté – ou plutôt refuse de prendre en compte – l’impératif écologique, et les enjeux sociaux et culturels que cela implique.

 

* la construction de ce barrage est effective depuis 2012, mais les projets de construction sont beaucoup plus anciens, datant des années 1980.

FUTURA PLANETE / © CIFOR, Flickr, cc by nc nd 2.0

Sources :

GIRARD Dorian, Elections au Brésil : ultralibéral et antisystème, le programme de Jair Bolsonaro, in Le Monde, 26/10/2018
LE TOURNEAU François Michel, En marge ou à la marge ? . Les populations amérindiennes du Brésil in Espace populations sociétés, 2012.

https://reporterre.net/Au-Bresil-le-candidat-Bolsonaro-menace-l-Amazonie-et-les-peuples-autochtones

https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-19-octobre-2018 Brésil, l’environnement sera la première victime d’une présidence d’extrême droite, in France Inter, 26/10/2018

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