Camille Belot | Dans une petite galerie du 11 quai de Conti, une trentaine de fausses couvertures du magazine Vogue sont affichées sur les murs. Pourtant loin d’avoir visité le musée de la parodie (est ce qu’il existe ?) ou une rétrospective expectative de la presse féminine du futur, je me suis plutôt retrouvée au milieu de portraits de femmes talentueuses et inspirantes !
Pour quelques jours, la Monnaie de Paris accueille une jolie petite exposition d’artistes contemporains invités à recouvrir une couverture vierge de Vogue avec une femme inspirante. Quelque peu hésitante quant au fait que l’exposition soit organisée par le célébrissime magazine féminin dont les préoccupations me semblent assez loin – même parfois opposées – à mes convictions personnelles, l’idée d’aller voir des portraits de femmes exposés dans une galerie d’art ne me déplaisait pas pour autant ; et j’étais déjà même prête à écrire un petit billet d’humeur (ou peut être un manifeste) sur la place de la femme dans les représentations artistiques et dans l’espace publique. J’étais un peu mauvaise langue. Déjà l’exposition « Artistes à la Une, Togeth’her » est organisée avec le comité ONU Femmes France dans une visée caritative pour soutenir l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes. Ensuite Vogue met en effet le plus souvent à sa Une des représentations de femmes célèbres – et invite également différents artistes à réaliser ses couvertures : on retrouve ainsi des portraits de Catherine Deneuve, Jane Birkin, Brigitte Bardot, Naomi Campbell, Uma Thurman, Kate Moss, Sofia Coppola, ou encore Beyoncé, et aussi Caroline de Monaco par Andy Warhol dans son numéro de décembre 1983 ou encore Marilyn Monroe par Salvador Dali dans celui de Décembre 1971. Ces femmes sont certainement talentueuses et ont marqué leur époque mais leur joli teint effet bonne mine sur papier glacé ne semble pas forcément renvoyer à autre chose qu’à l’image elle même – autrement dit, et pour ne pas faire de jeu de mot facile, elles font la couverture car elles sont en vogue. Mais on peut quand même remarquer que le numéro de février 2019 met à l’honneur Erika Linder (et en grosses lettres jaunes « L’éclat unisexe ») ; et on peut toujours se rappeler que Frida Kahlo avait été en première page de Vogue México en 2012 et se réjouir de retrouver cette figure parmi les fausses couvertures de la présente exposition. Parce que en effet, ce sont beaucoup des femmes fortes, indépendantes et engagées qui ont été choisies comme femmes inspirantes et emblématiques par les artistes qui avaient carte blanche. On retrouve ainsi des portraits de Hannah Arendt, Cléopâtre, Indira Gandhi, Assa Traoré ou, plus surprenant, Margaret Tatcher – après quand on y pense la couverture de Vogue US du numéro de février 2005 mettait à l’honneur Mélanie Trump en robe de mariée ; mais pas de panique, aucun portrait de Marine Le Pen ne figure dans cette exposition !!
Comme suggéré à l’entrée de cette galerie de portraits, j’ai commencé par essayer de reconnaître ces femmes accrochées aux murs – Marie-Antoinette j’aurai jamais trouvé ! J’ai eu du plaisir à retrouver Simone de Beauvoir ou encore (deux fois) Niki de Saint Phalle – qui avait d’ailleurs elle aussi fait la (vraie) couverture de Vogue en 1952 . Et puis j’ai découvert au fur et à mesure de nouvelles figures fascinantes comme Jacqueline Auriol ou Hilma alf Klint. Entre femmes de pouvoir et femmes engagées ou encore femmes artistes, on trouve aussi des propositions plus intimiste comme des artistes qui rendent hommage à leur mère, à leur épouse, aux femmes de leur vie ; reste à savoir si c’est par manque d’inspiration (après tout, les femmes (re)connues dans l’Histoire, ce n’est pas toujours une évidence !) ou bien une véritable déclaration d’amour et d’admiration. Mais c’est justement comme ça que l’exposition est une réussite, parce qu’elle trouve un sincère équilibre entre engagement féministe et hommage à la femme dans toute sa splendeur. Sans finalement iconiser une femme, la femme ou des femmes, il s’agit plutôt de rendre à ces femmes ce qu’elles ont toujours mérité et du même coup d’en inspirer de nouvelles !
Tout à fait intéressantes d’un point de vu également plastique, les couvertures exposées sont hétéroclites et l’exposition mélange les techniques et les univers artistiques à la fois des artistes et de leur sujet ; elle m’a emmené à la découverte de ces femmes qui ont fait de grandes choses ! Mais pourquoi une exposition si courte – autant dans le temps que dans l’espace ? Du coup, je regrette quand même un peu de ne pas y avoir croisé Alice Guy, Mata Hari, Maya Deren, Simone Veil, Diane Arbus, Rosa Parks, Jane Goodall, George Sand, Olympe de Gouge, Agnès Varda, Christine Chubbuck, Claire Simon, Ingrid Betancourt ou encore (et j’en oublie tellement) Alexandra David-Néel ; en faite l’exposition se veut peut être ainsi comme une invitation à réfléchir à nos propres, non pas forcément icône ou modèle, mais plutôt inspiration.
Même si l’exposition est terminée, il est possible de voir toute les œuvres et leurs descriptifs en ligne sur le catalogue. Et puis pour découvrir (pleins) d’autres femmes qui ont marqué l’histoire tu peux regarder ces vidéos. Et puis pour découvrir (pleins) d’autres femmes talentueuses sur internet tu peux regarder tout ça aussi. Et puis, du coup, moi aussi j’ai voulu faire l’exercice – même si Vogue ne m’y a pas invité.