Quentin DIDIER | Sophia Chikirou, conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon pour sa campagne en 2017, ne cache en aucun cas l’important degré de subjectivité de sa première réalisation : un documentaire sur les événements qui se sont déroulés il y a un an jour pour jour contre le parti de La France Insoumise. Elle même impliquée dans les enquêtes concernant des soupçons d’emplois fictifs et de financement illégal de la campagne présidentielle, la fondatrice de Médiascop explique que le premier parti d’opposition de gauche a été victime d’un « Lawfare ».
D’un appréciable et réussi ton didactique, le premier documentaire d’une série consacrée aux cas de Lawfare, nous explique le principe de cette technique de persécution politique. Ciblant un adversaire politique ou économique, une puissante instance (un gouvernement, un lobby, une entreprise…) saisie la justice sans preuves véritables, pour mettre si possible hors d’état de nuire cet adversaire. Le Lawfare instrumentalise les accusations à l’aide de la pression médiatique inhérente à notre époque. Si cette pratique apparaît comme propre aux dictatures, elle traverse pourtant la frontière de la démocratie. Prenant exemple de l’affaire Lula au Brésil, de Cristina Kircher en Argentine ou encore Rafael Correa en Équateur ; Sophia Chikirou recentre son propos sur les manœuvres de Lawfare qui ciblent particulièrement les partis politiques de gauche.
Le documentaire, produit par sa société de production « L’Internationale », entend mettre en lumière ces tentatives de faire taire la gauche dans certains pays où le néolibéralisme sauvage tend à s’imposer. Mêlant images des événements du 16 octobre 2018 et de l’impact médiatique de ces perquisitions, ainsi que des entretiens avec en majorité des proches de La France Insoumise, Sophia Chikirou réalise une œuvre argumentaire évidemment politisée. Le documentaire n’hésite pas à nommer ceux qui pourraient avoir instrumentalisé cette affaire avec l’aide de la justice et des médias. Et c’est sans surprise le gouvernement libéral de La République en marche qui récolte lui- même ces accusations de manipulations à des fins diffamatoires.
La meilleure défense restant l’attaque, la réalisatrice n’évite pas certaines facilités dans l’argumentaire qu’elle propose notamment lorsqu’elle rapproche, maladroitement, la répression symbolique et la répression physique de l’État. Le documentaire évoque en effet les débordements des forces de l’ordre contre le mouvement des gilets jaunes ou encore l’affaire Steve Maia Caniço. Pourtant cette manœuvre ne sert pas directement le propos et ressemble à une forme de récupération.
Si à certains moments le documentaire de Sophia Chikirou prend la forme d’un reportage télévisuel à charge, on ne peut cependant que saluer la volonté de placer sous les projecteurs cette insidieuse et dangereuse technique de répression qu’est le Lawfare. Sophia Chirikou ne défend pas seulement son compte ni le parti politique auquel elle adhère, mais œuvre à son échelle pour la transparence de la vie politico-économique internationale.