Tanzanie: Dans l’ombre du seigneur, les petites mains de l’humanitaire.

Evie Poirault | Le président John Magufuli enjoint sa population à invoquer la guérison dans les lieux de cultes, tandis que les organisations humanitaires plantent leurs tentes. 

Prière, jeûne et prévention. Telle est la panacée que semble prescrire la Tanzanie à sa population, pour mettre à mal la propagation de la pandémie du Covid-19 sur son territoire. Le pays d’Afrique australe dénombre à ce jour seize décès et 480 cas déclarés. Une propagation inexorable depuis l’identification du premier cas, le 16 mars dernier, qui a fait son entrée sur le territoire par le Burundi. Situé dans un foyer régional de contaminations, le chef d’état John Magufuli ne cesse de prêcher la foi salvatrice, sans strictes mesure concomitantes. Usant de l’emphase liturgique: « Le coronavirus ne peut pas survivre dans la sainte communion ; il sera bientôt brûlé» .

Une mission indispensable, pour préserver les autres

La versatilité du discours gouvernemental sur les mesures sanitaires, pourrait mettre en péril la pérennité des actions de terrain menées par les organisations humanitaires. Déjà sur place, et sans attendre la divine intercession, les organisations humanitaires en missions régulières vont déployer sur le territoire des opérations de prévention dès les prochains jours, dans les camp de réfugiés Burundais et Congolais du territoire. Une absolue nécessité selon Sarah, humanitaire d’outre-Manche, coutumière des crises épidémiques, : « Dans chaque mission il y a le devoir de faire une activité Covid-19, parce qu’il faut déjà protéger le personnel… Il ne faut pas l’exposer. On peut faire le parallèle avec Ebola, on doit prendre des dispositions en amont. Aujourd’hui, on doit éviter d’avoir une menace supplémentaire (Covid-19) qui empêcherait de mener à bien nos activités. Le fléau pourrait se développer parce qu’on aurait pas anticipé. On est pas là pour faire mourir les gens! »

Science et religion, l’union sacrée?

Le rôle de ces apôtres scientifiques des organisations humanitaires n’en est pas facilité, en Tanzanie, où la religion omniprésente, fait cohabiter animisme, islam et christianisme. Et la compréhension moins aisée, pour une population, que le président s’évertue à convaincre: « N’arrêtez pas de vous rassembler pour glorifier Dieu et le prier. (…) Les églises sont des endroits où les gens peuvent chercher la vraie guérison ». Un double discours qui ajoute la défiance à l’imprudence. Dans une crise sanitaire mondialisée, à laquelle on oppose une méthode universelle, contrevenant parfois à la médecine locale. « Très souvent, la population se soigne par les plantes, selon une culture ancestrale. Alors quand il y a une campagne de vaccination, certains sont dubitatifs, pensant qu’il n’y a que Dieu ou le Marabout qui peut les guérir ».

À moins que la croyance pactise avec la science. C’est du moins l’hypothèse de Sarah: « Souvent, quand on mène des actions de sensibilisation dans des villages retirés, les agents de sensibilisation à la santé, se retrouvent avec des relais de confession. C’est leurs partenaires pour faire de la prévention ».

« C’est le moment de construire notre foi en Dieu. »

Le moment pour le gouvernement, d’afficher une religiosité opportune sans doute? Ou bien de fédérer au sérail politique les éminences respectées dans le pays, à la faveur d’une lutte commune? Tandis que les lieux de cultes continuent d’accueillir les fidèles, et que le virus progresse, le président Magufuli semble regarder ailleurs. Probablement vers l’horizon de cette fin d’année 2020, qui verra se dérouler les élections présidentielles et son mandat remis en question par le jeu démocratique. Aucune explication formelle n’est donnée pour justifier le sacrifice de la santé publique, plutôt que celui de l’économie nationale, invoquée comme un fétiche.

C’est peut-être là l’obstination sourde de voir se réaliser ses promesses de mandat. Une volonté mise en oeuvre par une entreprise de restructuration économique: création d’emploi et stimulation du secteur industriel. Ce positionnement s’apparente moins à une préservation, qu’à une tentative de sauvetage. L’absence de touristes liée à la pandémie, prive déjà le pays d’un secteur substantiel de son économie.

Photo : https://fr.123rf.com/images-libres-de-droits/afrique_prière.html?alttext=1&oriSearch=afrique%20coronavirus%20dieu&start=110&sti=mx973hw7vtvlfslvkh|

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