Chronique Internationale #5 – Retour à la réalité

Denica Tacheva | Тu endures, tu avales sans gémir, sans voix, tu attends que quelque chose change… mais il arrive un moment où le besoin de parler, de crier pour être entendue, pousse jusqu’au bout et devient imparable jusqu’à ce qu’il explose et prenne des victimes.

La Pologne nous donne l’exemple parfait d’une société dégradante qui interdit aux femmes d’avorter légalement, à la seule exception si la vie de la mère est en danger. Le 22 octobre 2020, le tribunal constitutionnel polonais jugeait anticonstitutionnel le fait d’avorter en cas de « malformation grave et irréversible du fœtus ou de maladie incurable qui menace la vie du fœtus » . À la suite de cette loi depuis un an aujourd’hui les femmes enceintes sont confrontées à de nombreux obstacles pour accéder à un avortement dans le pays. 

C’est une histoire bien connue de l’humanité – le principe féminin réprimé et la négligence totale des droits des femmes sont le lourd fardeau que la société n’a jamais pu lever de ses épaules, une société qui n’est pas prête pour le changement. La lutte pour les droits des femmes remonte à des décennies dans l’Histoire. Devons-nous vraiment revoir des vitres brisées, des femmes détenues, battues et violées par la police parce qu’elles ont exercé leur droit constitutionnel de voter contre les mesures absurdes du gouvernement ?

Ils veulent nous faire croire que notre société évolue dans une meilleure direction au fil du temps, que l’homme naît libre et possède des droits qui sont un don qui vient comme un privilège dès qu’il commence à exister, que l’inégalité des sexes est obsolète. Mais tout cela ne peut pas être la seule vérité tant que le corps féminin est traité comme une propriété négociable du gouvernement. Négliger les motifs de presque tous les avortements légaux revient à piétiner et à interdire les droits humains et contraire à tout sens de la moralité.

Changement social et radical ? Retournons à la réalité. Pouvons-nous remettre en question notre rôle prescrit par le genre, est-ce la fonction prévue du corps féminin – être reproductif indépendamment du droit humain d’interrompre la grossesse. Et bien, la pensée erronée et dégoûtante sur les femmes n’a pas disparu, non, elle continue d’exister en plein forme. Quelle interprétation pouvons-nous tirer d’une loi qui met un autre clou dans le cercueil de la liberté ? La femme – elle n’a pas le droit de penser à une carrière, il ne sert à rien d’en rêver, pas besoin de travailler dur pour occuper un poste important, sa vie ne peut avoir de sens que si elle donne naissance à un enfant. 

C’est l’héritage que le gouvernement polonais veut que la société accepte et cette incompréhension des droits humains est loin d’être limitée à la Pologne tant que la lutte pour les droits des femmes marque son histoire à travers le monde entier. Malheureusement c’est ce gouvernement qui nous invite à défendre la culture, les traditions et les mœurs d’un monde qui n’existe plus. Des générations plus tôt dans l’Histoire, les femmes auraient pu être emprisonnées pour avoir porté des jupes jusqu’aux genoux. À la fin du 20ème siècle, il aurait été impensable que les jeunes femmes rêvent d’une carrière. Et à partir de ces temps on peut très facilement lâcher un fil qui atteint nos jours où l’on voit une oppression palpable.

Le sexisme agressif et la restriction constante de la liberté sont un obstacle au développement des générations futures, cette loi doit être modifiée au nom d’intentions législatives qui s’expriment dans l’égalité. Les gens font face à une constitution basée sur de fausses hypothèses sur leurs capacités, comment ces personnes pourraient-elles réfuter de telles hypothèses s’il existe de telles lois qui rendent la société vulnérable et en danger ?

Est-ce pour cela que Mary Wollstonecraft a écrit « Défense des droits des femmes » en suggérant que les hommes et les femmes devraient être traités comme des êtres rationnels et en imaginant un ordre social fondé sur la raison ? Est-ce pour cela qu’Emily Davison, l’une des premières suffragettes britanniques essayant désespérément d’attirer l’attention du public après une série de manifestations infructueuses, est apparue sur l’hippodrome lors du Derby d’Epsom devant le cheval du roi George V qui l’a renversée ? Est-ce pour cela que Ruth Ginsburg, l’une des premières femmes à être admise à la Cour suprême des États-Unis, mène une bataille longue et fatigante pour les droits constitutionnels des femmes? De quel genre de justice pouvons-nous parler si le droit d’une femme de décider de son propre corps lui est impitoyablement retiré ?

Cela c’est un autre type de pandémie, si répandu que les effets ne sont que catastrophiques. Jusqu’où pouvons-nous aller dans cette lutte acharnée ? Nous avons le sentiment que l’injustice va drainer notre énergie, nous nous laissons sans une goutte de conscience être guidés par l’avidité de contrôle et de suprématie. Y aura-t-il une fin à ce cercle vicieux…?  À suivre…

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