Fast fashion : À qui la faute ?

Candice Authier | Friperies, marques éthiques, minimalisme… Ces dernières années, on perçoit une prise de conscience dans les habitudes de consommation des jeunes : alors que la mode devient toujours plus éphémère, causant des dégâts tant sur l’environnement que sur les travailleurs, les nouvelles générations s’habillent davantage de manière éthique.

Cet engagement en faveur de l’environnement est encourageant mais il demeure une différence importante entre théorie et pratique. En effet, il est estimé que 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde et qu’un français achète en moyenne 9kg de vêtements par an. Ces chiffres montrent que les jeunes se tournent toujours massivement vers la fast fashion, bien qu’ils aient conscience de son impact néfaste. 

La fast fashion, aussi appelée mode rapide ou mode jetable, désigne la production de vêtements pratiquée par H&M, Zara, Mango et autres enseignes similaires qui produisent des dizaines (voire des vingtaines ou trentaines) de collections par an alors qu’une marque classique n’en sort que quatre. Il existe aussi désormais l’ultra fast fashion dont la figure de proue est le magasin en ligne Shein.

Derrière ces vêtements à foison se cache une triste réalité : afin de produire leurs vêtements à moindre coût, les marques de fast fashion font appel aux travailleurs des pays asiatiques, où les salaires sont très bas et le rythme de travail particulièrement intensif. L’exploitation de ces travailleurs, dont certains sont des enfants, est telle que ces ateliers souvent insalubres ont été surnommés « sweatshops » (littéralement « ateliers de sueur »). L’exemple le plus pointé du doigt est celui du peuple ouïghour : minorité musulmane chinoise, ils sont arrêtés et internés dans des camps où ils produisent les textiles de nos vêtements dans des conditions affreuses.

En plus des dégâts humains, la fast fashion est extrêmement polluante : entre la multiplication des pesticides et OGM dans les champs de coton et l’utilisation de matières non-renouvelables et de produits chimiques, l’industrie textile est l’une des plus polluante au monde.

Frédéric Soltan /Getty Images

Alors comment expliquer que l’on continue de consommer de la fast fashion en 2022 ? Entre autres, parce que les prix sont bas. Il faut prendre en compte le fait que les jeunes générations sont nées dans la fast fashion et n’ont jamais connu d’autre formes de consommation ; il est donc difficile pour eux de renoncer aux petits prix, aux soldes et aux codes de réduction. 

De plus, les enseignes développent des techniques de marketing qui rendent le consommateur toujours plus accro : publicité sur les réseaux sociaux, offres limitées dans le temps, points de fidélité… C’est notamment le cas de Nike qui a mis en place le système des « Raffles », une loterie qui permet aux gagnants d’obtenir le droit d’acheter des paires de baskets. Les stocks sont donc limités et les baskets prennent rapidement de la valeur, ce qui entraîne les consommateurs dans des cercles vicieux de surconsommation tels que l’achat compulsif, la collection ou la revente. Certaines enseignes vont même jusqu’à manipuler les préoccupations environnementales des consommateurs avec le « Greenwashing », l’art de se déclarer écolo tout en continuant à polluer.

Exemple de Greenwashing à un pop-up shop H&M Conscious: Andrew H. Walker/Getty Images for H&M

Des solutions existent néanmoins pour permettre aux consommateurs de ne plus participer à la Fast fashion :

La solution la plus efficace est de moins consommer en devenant minimaliste. Après tout, la plupart d’entre nous avons assez de vêtements dans notre penderie pour tenir toute notre vie. Le minimalisme est sans aucun doute la solution idéale pour l’environnement mais pour certains d’entre nous, acheter de nouveaux vêtements procure un réel plaisir et s’en passer serait très difficile. 

On peut alors se tourner vers des marques éthiques et éco-responsables, plus respectueuses de l’humain et de l’environnement car leurs vêtements sont produits dans de bonnes conditions de travail, de façon raisonnée et à partir de matières durables. Seul souci : les vêtements éthiques sont beaucoup plus chers que ce à quoi nous sommes habitués et ne rentrent pas dans le budget moyen des jeunes. 

La dernière solution est alors la seconde main, de plus en plus appréciée des nouvelles générations. L’achat de vêtements d’occasion exclut en effet la production de nouveaux vêtements. Seulement, tout le monde n’a pas de friperie près de chez lui. Heureusement, il y a des friperies en ligne où l’on peut vendre et acheter des vêtements de seconde main. 

La prise de conscience de l’impact environnemental et humain de la fast fashion entraîne forcément un sentiment de culpabilité chez le consommateur ; surtout lorsque ces derniers s’incriminent entre eux, comme c’est le cas sur Twitter, où certains internautes critiquent de plus en plus ceux qui font les soldes chez Zara. Sans prétendre apporter de réponse miraculeuse, il me semble important de se demander qui est réellement à blâmer dans cette situation. Sommes-nous des bourreaux ou des victimes de la fast fashion ? 

La mode est une industrie gigantesque et la production du textile une chaîne mondiale ; il est donc normal de se demander si j’aurais réellement un impact en n’allant pas faire les soldes chez Zara cet été. Bien sûr, si l’industrie fonctionne aussi bien, c’est en partie grâce à nous, les consommateurs, car notre surconsommation encourage leur surproduction. Il est donc essentiel de prendre conscience de notre rôle dans le système car cela nous pousse à prendre du recul sur notre consommation et à faire des choix plus éthiques à l’avenir. Seulement, nos efforts personnels pour limiter les dégâts ne peuvent tout simplement pas rivaliser avec les impacts causés par une industrie de cette envergure. 

Tout en encourageant la prise de conscience et la consommation éco-responsable, peut-être serait-il temps que nous arrêtions de culpabiliser le consommateur et que nous unissions plutôt nos voix afin de responsabiliser les gouvernements, enseignes, distributeurs et sociétés qui ont un énorme pouvoir sur l’avenir de la mode et de la planète.

Sites web utiles pour en savoir plus : 

  • Site officiel de Zero Waste France, association citoyenne qui milite pour la réduction des déchets et une meilleure gestion des ressources : https://www.zerowastefrance.org/
  • Site officiel de Fashion Revolution, organisation internationale qui se bat pour les droits des travailleurs du textile à travers le monde : https://www.fashionrevolution.org/europe/france/
  • Site officiel de l’Association des Ouïghours de France pour en savoir plus sur la répression du peuple Ouïghour et les actions mises en place pour promouvoir leurs droits et libertés : https://ouighour.org/index.php

Sources :

Image mise en avant : Défilé de mode dans une usine de recyclage à Minsk, Biélorussie : Viktor Drachev / TASS / Getty Images

« Les chiffres de la “fast fashion” ». Fagnart Sylvie, Causette, 8 Sept. 2021

« H&M : l’incarnation du greenwashing dans la mode ». Faure Julia, Le Nouvel Observateur, 16 avr. 2018 https://o.nouvelobs.com/mode/20180416.OBS5263/h-m-l-incarnation-du-greenwashing-dans-la-mode.html#

« Persécution des Ouïghours : derrière la mode, le visage du mal ». Rédaction Réforme, Réforme, 27 mai 2021 https://www.reforme.net/actualite/2021/05/27/derriere-la-mode-le-visage-du-mal/ 

« C’est quoi la fast-fashion ? ». Julie, Wedressfair, 22 nov. 2021 https://www.wedressfair.fr/blog/c-est-quoi-la-fast-fashion

« Pourquoi on continue de consommer de la fast fashion en 2020 ». MADE IN 1998 https://madein1998.fr/2020/05/03/pourquoi-on-continue-de-consommer-de-la-fast-fashion-en-2020/« Entre la seconde main et l’ultra fast fashion, le cœur des ados balance ». AFP-Relaxnews, Fashion Network, 16 fevr. 2022 https://fr.fashionnetwork.com/news/Entre-la-seconde-main-et-l-ultra-fast-fashion-le-coeur-des-ados-balance,1378022.html

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1 commentaire

  1. bonjour candice. J’ai trouvé ton article intéressant, moi qui ne suis ni jeune ni gros consommateur. Ta description de l’arrière de la production ne donne pas envie d’y travailler mais plutôt de faire en sorte que cela s’arrête. Et c’est là que nous ne sommes plus d’accord : tu conclues sur l’idée que chacun ne changera rien dans son coin. Mais « chacun » n’est pas « seul ». C’est la somme de tous nos « chacun » qui fait le tout, et c’est la somme de nos petites actions individuelles qui fait pencher la balance. Si 1 arrête de « trop » consommer, cela ne fait pas 1 : cela fait 1 de plus d’un côté de la balance et 1 de moins de l’autre côté.. Et nous sommes déjà très nombreux à avoir changé de côté. Bienvenue à tous les « 1 de plus » du côté de la sobriété.

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