Anna Mexis | Louda Ben Salah-Cazanas réalise son premier long-métrage, Le monde après nous, sur le thème de la précarité des jeunes adultes à Paris. Il met en scène des situations qu’il a parfois lui-même vécues et qui poussent le spectateur à réaliser le coût de la vie dans la capitale.

Le monde après nous raconte l’histoire de Labidi, un jeune écrivain qui essaye tant bien que mal de faire face à ses problèmes financiers. Le poids du coût de la vie à Paris pèse sur les épaules de ce personnage interprété par Aurélien Gabrielli (Les mauvais garçons), qui cherche par tous les moyens à combler son découvert. Et tous les moyens sont bons, quand on n’a pas les moyens. Entre petites magouilles et jobs alimentaires, Labidi s’en sort plus ou moins. Tout se complique quand il rencontre l’amour : une jeune étudiante prénommée Élisa, incarnée par Louise Chevillotte (L’Évènement).
Cette histoire, Louda Ben Salah-Cazanas l’a (en partie) lui-même vécue avec sa femme, Lola. Après quatre courts-métrages sélectionnés aux festivals de Clermont-Ferrand ou de Namur, ce jeune réalisateur se lance dans le grand bain avec Le monde après nous. Mais le chemin pour y arriver a été quelque peu compliqué. Tandis que les difficultés matérielles et financières se faisaient trop pesantes, Louda Ben Salah-Cazanas décide de laisser le cinéma de côté et pense même à passer le CAP boulanger. Il commence toutefois à écrire sa vie à Paris, son amour, ses galères. Son producteur comprend alors le film qui se cache entre les lignes et quelques mois plus tard, le tournage débute. Petit budget, petite équipe, mais grande motivation.
Le film de 85 minutes, présenté à la Berlinale 2021, est centré sur le personnage principal qui peine aussi bien à écrire son livre qu’à survivre à Paris. Labidi alterne livraisons à vélo et sessions d’écriture à la bibliothèque. Sa précarité est par ailleurs retranscrite dans le choix du lieu exigu dans lequel il vit. Il partage effectivement son appartement de 9m² avec son meilleur ami, Alekseï, interprété par Léon Cunha Da Costa (La Fuite). Il faut d’ailleurs savoir qu’il s’agit de la chambre de bonne dans laquelle Aurélien Gabrielli a véritablement habité auparavant.
Louda Ben Salah-Cazanas filme la galère parisienne de ce « transfuge de classe, bobo surtout, prolo aussi », comme se définit lui-même Labidi. Ce dernier aspire à appartenir au milieu de la littérature, mais ses origines sociales et sa pauvreté l’en empêchent. Ces barrières invisibles retiennent constamment le jeune homme originaire de Lyon qui vit au-dessus de ses moyens dans la capitale.
Le monde après nous dépeint la précarité parisienne de manière authentique — filmée avec une Blackmagic — et avec une touche comique. L’humour est effectivement extrêmement important pour Louda Ben Salah-Cazanas, qui souhaite ainsi éviter de tomber dans le misérabilisme souvent associé à la précarité. Le réalisateur a d’ailleurs lui-même ri des situations difficiles dans lesquelles il a pu se trouver avec sa femme. Le côté pince-sans-rire d’Aurélien Gabrielli et l’humour sans borne de Léon Cunha Da Costa insufflent de fait une légèreté dans le quotidien étouffant des personnages. De quoi permettre aux spectateurs de se divertir tout en saisissant les enjeux liés à la précarité générée par la vie parisienne.
Film sorti en salles le 20 avril.