Alexis Lawson | Pays d’Afrique centrale de cinq millions d’habitants, le Congo-Brazzaville commet depuis peu de plus en plus de violations des droits de l’Homme. Le président, menacé par des rivaux politiques, a poussé le pays dans une spirale infernale. La répression ne semble faire plus aucune différence entre civils et opposants politiques. Dans ce contexte difficile, quel avenir pour le Congo-Brazzaville ?
Ancien militaire, Denis Sassou-Nguesso dirige le Congo d’une main de fer depuis vingt-cinq ans. Il agite le spectre de la guerre civile de 1997, qui a opposé pro-démocrates à son camp politique, pour présenter son gouvernement comme la seule alternative viable à un chaos inévitable. Les accusations de mauvais traitements envers des rivaux politiques entachent ses mandats dès le début des années 2000. Face à ces accusations, le Congo se cache derrière sa production de pétrole, la troisième plus grosse production d’Afrique subsaharienne. C’est elle qui lui achète par exemple indirectement le silence et la bienveillance de l’un de ses partenaires commerciaux principal, la France.
En dépit de cet atout économique que représente les hydrocarbures, le Congo peine à prospérer. Le programme des Nations unies classe ainsi le pays 149 sur 191, en termes d’indice de développement humain en 2021. Le partage des richesses est quasi inexistant au Congo. Malgré ces tares, la population, soumise à des élections peu fiables dont le gagnant, Sassou-Nguesso, est toujours connu à l’avance, manifeste peu son indignation durant les quinze premières années du vingt et unième siècle.
Des violences post-électorales créées de toutes pièces, une guerre civile, et des milliers de morts en 2016
Le scrutin présidentiel de 2016 marque un changement, et la perte de contrôle du clan Sassou-Nguesso sur le pays. Le 4 avril, le gouvernement prétend que des militaires à Brazzaville ont été attaqués dans la nuit, et que quatre commissariats ont été incendiés. Cela donne au clan Sassou-Nguesso une excuse pour mobiliser les militaires partout dans le pays, et pour étouffer en avance toute contestation possible suite à une élection truquée. Il annonce sa victoire par surprise en plein milieu de la nuit, peu après ces présumés heurts dans la capitale.
De 2016 à 2017, une guerre civile a lieu dans la région du Pool. Pour détourner l’attention d’une fraude possible durant les élections, le président utilise ainsi ses forces armées pour déclencher un déchaînement de violence dans le Pool. Cette situation chaotique créée par le gouvernement, permet au pouvoir de détourner l’attention d’élections que le président n’a pas remporté de manière légitime. Elle provoque le décès de plusieurs milliers de personnes.
Sur le plan politique, des figures éminentes de l’opposition, tels que les candidats André Okombi Salissa, et l’ancien chef d’état-major des armées du Congo, Jean-Marie Michel Mokoko, sont emprisonnés. Salissa perd d’ailleurs son frère dans des conditions troubles, après que ce dernier ait lui aussi été emmené par la police dans un commissariat. La violence sort ensuite du camp politique pour arriver dans les rues.
Une politique de plus en plus dure
L’année dernière, Sassou-Nguesso brigue un énième mandat, et remporte une nouvelle fois les élections. Le président ne semble plus vouloir laisser aucun espace à ses rivaux. Il consolide son pouvoir en déchaînant une violence inouïe sur la population. Une pression s’exerce désormais constamment sur les Congolais, de manière à tuer toute volonté démocratique dans l’œuf. Face au fiasco de 2016, Sassou-Nguesso veut désormais faire vivre l’intégralité du peuple dans la peur.
Photo d’Olivia Ackland, de Reuters
C’est dans ce contexte houleux que naît à Brazzaville Ras-le-bol, un mouvement citoyen. Sa page web présente son action comme étant la suivante : « militer pour le respect des lois, des droits humains, pour la justice et le progrès social ». En 2020, le coordonnateur adjoint du mouvement, Charlin Kinouani, s’exprime dans la presse locale. Il accuse l’Etat de vouloir entraver les travaux de l’association en tentant de l’intimider : « J’ai été brutalisé par un policier et finalement libéré à 20h, heure du couvre-feu, moyennant 20 000 Francs CFA. Ils menaçaient de me transférer au commissariat central. Je menais une enquête sur les bavures policières ». En 2022, Filguy Mbé, mécanicien, raconte à RFI avoir perdu l’usage de ses jambes suite à des actes de tortures commis par la police, qui l’avait confondu avec un membre de gang. L’organisation non gouvernementale l’OCDH, l’observatoire congolais des droits de l’homme, recense ainsi quatre-vingt deux cas de torture sur les quinze derniers mois seulement.
Opposants politiques, civils, criminels, les Congolais sont persécutés de manière arbitraire et indiscriminée par le gouvernement. En parallèle de cette campagne de peur, le président tente de faire reluire l’image du pays à l’international, en essayant d’attirer des investissements étrangers. À l’heure où l’Ukraine accapare l’attention des médias, le Congo souhaite s’assurer que les cas de tortures de plus en plus nombreux continuent de passer inaperçus. Dans un discours récent, Denis Sassou-Nguesso évoque un plan national de développement, et met en avant une future « économie forte » et « diversifiée ». L’agriculture, l’industrie, le tourisme, et l’économie numérique sont présentés comme les futures vaches à lait du pays. Le plan, aux allures de slogan politique, s’intitule « Ensemble, poursuivons la marche ».
La promesse d’un avenir radieux pour endormir la population
Une zone économique de 2700 hectares à Pointe Noire devrait voir le jour dans les années à venir. C’est le premier jalon du plan économique du gouvernement. Cette zone promet 24 000 emplois, et pourrait attirer jusqu’à 1,5 milliards de dollars selon le gouvernement congolais. À ce jour, plusieurs questions demeurent. L’entreprise singapourienne qui se cache derrière le projet, va t-elle réellement contribuer à une diversification de l’économie ? Les Congolais verront-ils la couleur des revenus créées par cette zone économique ?
Le géant asiatique chinois vampirise déjà une partie de la création de richesses congolaises, l’autre partie tombant dans les mains des proches du président. Singapour ne semble être qu’une entité financière de plus dans le paysage congolais, dont la seule présence réduira la part des profits qui ira dans les poches de la population. Il est donc peu probable que cette zone économique, si diversifiée soit-elle, fournisse aux congolais les « lendemains meilleurs et plus prometteurs » évoqués par le président lui-même dans la préface du plan national de développement. Au Congo s’ouvre donc une période d’incertitude. Le pays sera-t-il marqué par un immobilisme politique, ou connaîtra-t-il à l’inverse une nouvelle ère durant laquelle le peuple n’hésite pas à afficher son soutien à de nouvelles figures politiques, afin de renverser un gouvernement despotique et népotique aux allures de famille royale ? Seules les années à venir et les élections présidentielles de 2026, détiennent la réponse à cette question.
Sources :
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20160501-congo-brazzaville-situation-pool-saccages-enlevements