Emeline Cocq, le 08/05/2012
« J’ai le mot de toi … »
J’ai le mot de toi interdit dans la bouche. Je le bouleverse d’une syllabe à l’autre que je prononce. Il te déshabille en le disant.
Tu m’apparais avec la lâcheté d’une cendre au vent. Tu es déjà loin avant même de te voir, j’en suis arrêtée. Sous tes mains chaudes tu ravis le monde : il brille de toi. Ta couleur m’empêche de te saisir, dans la fugacité des choses. Transie, je le suis, et tu m’indiffères dans la brume dont tu t’embaumes. Je te plais dans mon lointain. Ton nom résonne dans le décor écorché de ma mémoire. Et tu es là. Si là.
Elle, la petite, elle est tellement jolie. Tu es celui qui dois la retenir. Son regard a la profondeur d’un spectacle de la nature, la gravité d’une éclosion. Sur son grain de peau, mes mots, les tiens. Tu la serres, cette enfant de toi, dans un geste de paternelle appartenance. Ton visage est dramatique, à moi représenté. Tes traits jouent de moi en me surprenant encore. Des choses sur toi que je ne connaissais pas.
J’ai cru être là, tu l’as remarqué mais sans faillir jamais. En vrai, j’étais ailleurs, dans la chaleur. Mentir en remuant, en réfléchissant, cette chose de toi là inaccessible.
J’ai patienté sans le désirer. T’affronter sans oser t’observer était cruel. J’ai eu peur de ne pas avoir pleuré.
Tu es parti, avec elle la petite fleur. Douleur du sentiment affleure vive. Je te suis en souhaitant m’en cacher. Tu dévales ce métro boulot dodo que je n’imaginais pas. Quelle distance sépare nos vies ? J’ai poignardé les pas précipités. L’ironie de ton mouvement valait le mien. Tu partais et j’avais déjà oublié ces yeux que je connaissais. J’aurais pu crier mais les feuilles tombaient, les rues rougissaient. Je devais te sauver en revenant. Caresse de toi dans le vent, j’en ai le souffle coupé. Et c’est venu, d’un coup, le goût salé, mais c’était beau, l’automne et tout. Tu m’avais inspirée.
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