Ce matin il pleut sur le drapeau tricolore du fronton de notre université. En-dessous vont et viennent de jeunes et moins jeunes têtes, pour apprendre, enseigner, discuter parfois. Dans le désert c’est sous la chaleur que ce même drapeau avance sur les uniformes, les véhicules.
Et ce sont des soldats de nos âges qui y sont tués.
Si une certaine jeunesse se bat, que fait l’autre, que faisons-nous?
Rien, ou peu s’en faut. Que faire? Peu de choses si ce n’est en parler. Et même là, silence. A-t-on conscience que notre pays s’autorise depuis janvier un droit de tuer au quotidien?
Car une guerre quelle qu’elle soit ne peut être exemplaire, même peu nombreux, chaque mort est une aberration. L’illusion d’une guerre sans victimes ( du coté des plus fortes puissances en tous cas) montre le désir d’oubli d’une société qui approuve majoritairement l’intervention. Protégez-nous des terroristes, mais ne nous montrez pas leurs cadavres!
Nous rêvons d’un conflit sans compromis intellectuel et l’illusion n’est pas loin…
Il faut reconnaitre que la propagande est douce, aucune image de massacre. On s’indigne face au terrorisme mais pas face à la violence. On est soit indifférent, soit fier. Nous voilà confrontés à une guerre que l’on dit « juste » et dans le meilleur des cas « nécessaire ». Les guerres sont plus faciles à faire qu’à dire. Mais les médias réussissent ce haut exercice de communication, partenaires tacites d’un gouvernement heureux du peu de résonnance qu’a le bruit de ses canons. Le président Nicolas Sarkozy avait suggéré qu’en France les manifestations passaient inaperçu, maintenant ce sont les guerres.
Il y a un mélange d’indifférence et de « que pouvons-nous y faire? ».
Sommes-nous devant un « cas de force majeure » intellectuel qui nous force à accepter un conflit?
Quelle horreur de voir que chaque mort, au lieu de raviver un sentiment pacifiste, plonge la société dans un deuil patriotique fleuretant avec le nationalisme.
Mais peut-on sincèrement y voir une victoire de la société plutôt qu’un échec?
Fais-je partie d’une génération forcée d’approuver une guerre? Il y a parmi la jeunesse un délit de silence sur cette parole en échec qu’est la guerre. Salutations aux rouges qui hantent nos halles tracts à la main.
L’illusion sera de croire que la seule solution est l’affrontement. Un affrontement commode car discret. Ne sommes-nous pas plus responsables que l’on veut bien nous le faire croire?
Nous qui votons déjà, qui allons la vie avançant devenir de plus en plus importants pour cette société, jusqu’à la diriger, nous devons nous pencher sur l’horreur de ce conflit, discuter, se disputer, sur les causes, les conséquences de tels agissements de notre république. Ce n’est pas une conversation agréable… nos idéaux seront malmenés par la réalité.
Nous avons l’immense réserve d’une vie pour changer de mentalité, et peut-être faire qu’à l’avenir aucune guerre ne soit un cas de force majeure. Nos dirigeants comme nos parents nous montrent ce qu’il ne faut pas faire, alors prenons-en conscience !
Au-delà d’être pour au contre, pensons l’échec des valeurs humanistes que représente ce conflit.
La pluie cesse, le drapeau reprend son ampleur mais j’éprouve de plus en plus de gêne à passer sous son ombre, dans l’ombre d’une société qui prend le réflexe de taire la guerre.
Guillaume Collet.
Aussi touchant que le discours du vieux tahitien chez Diderot, aussi vif qu’une vindicte voltairienne, un de nos plus fidèles rédacteurs poursuit la tradition littéraire et humaniste de dénonciation de la guerre, tout en faisant appel à nos valeurs nationalo-universitaires : notre fronton, les « rouges du hall »… On attend vos réactions.