Petite histoire de la French Touch

Annie Welter  |

Mouvement musical électronique des années 1990, la « touche française » a constitué un petit moment de gloire internationale pour la musique française. De Philippe Zdar à Justice en passant par Etienne de Crécy ou encore Stardust, retour sur un phénomène générationnel… à la française ! 

Tout commence à la fin des années 1980 dans les soirées dites « French Touch » au Palace, dans le 9e arrondissement de Paris. Les étoiles montantes de la scène électronique française font danser les parisien.ne.s sur des rythmes disco, funk et house. Mais c’est la presse musicale anglo-saxonne qui reprend le terme et étiquette de la sorte les artistes français dont les compositions électroniques ont du succès outre-manche.

Techniquement, la French Touch nait de la possibilité d’enregistrer un titre chez soi en home studio. Les coûts de réalisation et de production sont minimes, les jeunes dj se lancent facilement dans l’aventure. Mais parmi eux, c’est Philippe Zdar et Etienne de Crécy, avec leur duo Motorbass, qui déclenchent réellement le phénomène. S’inspirant de l’ambiance des raves underground parisiennes, ils composent Pansoul en 1996. La French Touch est officiellement lancée.

Etienne de Crécy poursuit l’aventure en 1997 avec un maxi solo, le premier des trois Superdiscount. Les anglosaxons sont fans de cette production « chic et downtempo » bien léchée et dont la pochette vinyle ne laisse pas indifférent. Plus tard en 1997, Daft Punk commence à sortir du lot. Leurs soirées Respect, organisées dans les grands clubs des Champs Élysées, sont gratuites et sans physionomistes. Entre qui veut, et un surprenant mélange socioculturel voit le jour. L’aspect générationnel de la French Touch est bien palpable dans ces soirées ! Homework, le premier album des Daft, est aujourd’hui considéré comme « typiquement French Touch ».

LE tube international de la French Touch sort en 1998 : Music Sounds Better With You, de Stardust. Le succès est massif, les grands labels français s’intéressent au nouveau phénomène musical et les médias généralistes en font largement l’écho. C’est l’apogée de la French Touch.

Mais la rechute qui s’amorce en 1999 est violente, les innovations se font plus rares et les sonorités s’homogénéisent. Les dj en recherche de nouveautés s’inspirent de la techno allemande et sortent de Paris. Le Dijonnais Vitalic ou la Grenobloise Miss Kittin relancent la machine française avec des sonorités plus industrielles, mais toujours aussi bien léchées.

Une nouvelle révolution est en marche en 2003 avec Justice. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, la scène musicale internationale se replie sur des valeurs sûres comme le rock’n’roll, et les innovations ont du mal à percer. Mais le « heavy metal disco » du duo français se fait une place dans la culture punk anglosaxonne, et redore l’image des productions françaises. We Are Your Friend est un succès monstre : la French Touch n’est pas perdue !

Mais la suite tarde à venir. Entre 2003 et 2006, un aspect « cheesy » s’empare de l’électro française. Certains dj affichent leur volonté d’amasser de grandes sommes d’argent et ne s’intéressent plus autant à l’innovation sonore, comparé aux pères fondateurs du mouvement. Le « sampling », caractéristique de la musique française électronique, commence également à poser problème du fait du renforcement de l’application des droits d’auteurs. Le mouvement s’essouffle, se perd dans de plus petites tendances peu lisibles et le succès n’est plus au rendez-vous. La période dorée est définitivement passée. La présence de Sébastien Tellier à l’Eurovision de 2008 constitue un dernier comeback du mouvement. Bien que les sonorités soient clairement inspirées de la French Touch des débuts, le succès est mitigé. La France ne gagne pas le concours, et une partie de l’opinion publique s’offusque que la chanson soit chantée en anglais.

Depuis, les médias musicaux clament un « retour de la French Touch » de façon régulière, et le terme est désormais appliqué à n’importe quel artiste français dont le succès parvient à sortir des frontières hexagonales. Bien que le mouvement ait perdu en cohérence dès le milieu des années 2000, il a eu un impact international indéniable et a permis de renvoyer une image plus moderne de la France. Les institutions culturelles ont également reconnu ce succès : Philipe Zdar et Dimitri From Paris ont été nommés chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres … ! Aujourd’hui, la French Touch s’est notamment divisée entre « pros » et « antis » Daft Punk, dont l’évolution sur la scène internationale est jugée trop ouvertement commerciale par certains. La génération French Touch tente désespérément de retrouver sa gloire des années 1990, mais les meilleurs tubes sont encore les premiers !

Et pour poursuivre l’expérience :
La Playlist French Touch by Nouvelles Vagues, à écouter sur Spotify
Touche Française, web série Arte Créative
Jourdain Stéphane, French touch, 1995-2015 : une épopée électro, Le Castor Astral2015

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