Victor Vagnier ∣ Qui n’a jamais balancé un « Cours Forrest cours ! » en voyant quelqu’un sprinter pour attraper son bus, ou encourager un ami qui passe un examen en le bénissant d’un « Que la force soit avec toi ! » ? Émouvantes, théâtrales, hilarantes, philosophiques, inattendues, stupéfiantes : certaines répliques de film sont passées à la postérité et ont marqué des générations en devenant le symbole d’un film, d’une époque, d’une tendance… On connaît tous des répliques sur le bout des doigts, même si on a oublié le film. A l’origine, il y a un scénariste qui sera le premier surpris que l’une de ses phrases soit élevée au rang de RÉPLIQUE CULTE ! Cependant, si quelques répliques deviennent cultes peu après la sortie du film et sont déjà sur toutes les lèvres devant les salles de cinéma, la grande majorité d’entre elles ne deviennent célèbres qu’après que le film ait été vu par le plus grand nombre, traversé le temps, subi les critiques et les analyses… Bref, qu’il ait fait ses preuves.
Des répliques, il y en a de tous les genres et pour tous les goûts : il y a les répliques tellement cultes qu’elles sont passées dans le langage courant et qu’on prononce même parfois sans penser au film : « J’t’ai cassé ! » dites-vous probablement à vos amis après une bonne vanne ; « Je reviendrai. », à votre famille, lorsque vous allez simplement faire des courses, sur un ton qui se voudrait aussi glacial que celui de Schwarzenegger dans Terminator. Dans le même registre, certaines répliques, par leur puissance et leur aura, deviennent des maximes voire des règles de vie. La trilogie du Parrain en regorge : « Un homme qui ne passe pas de temps avec sa famille n’est pas vraiment un homme » déclare Marlon Brando, grave et sentencieux ; « Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près », conseille Al Pacino.
Bien sûr, il y a la réplique drôle. La réplique culte est drôle parce que le film est drôle, la scène, la situation ou le contexte est drôle, parce que l’acteur est drôle, ses intonations et ses mimiques sont drôles. « Oh…quééé! » s’exclame Christian Clavier dans Les Visiteurs ; « Il est où le magneau? » s’interroge Jamel Debbouze alias Numérobis dans Mission Cléopâtre. Voyez-vous un autre acteur que l’inimitable Jean Dujardin pour interpréter l’agent spécial OSS117 et ses gaffes incomparables ? Quelques mots sur la réplique longue ou monologue qui se distingue, comme son nom l’indique, par sa longueur. Plus besoin de présenter le monologue d’Otis ou encore celui de Bubba dans Forrest Gump qui fait une description interminable sur la manière de préparer la crevette. Toujours dans Forrest Gump, on trouve en quantité la réplique philosophique, universelle et intemporelle, qui invite le spectateur à réfléchir. Tout le monde sera d’accord avec Tom Hanks quand il affirme que « La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber », ou avec Brad Pitt dans Fight Club qui déclare que « C’est seulement quand on a tout perdu qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut. »
Et l’amour dans tout ça ? La réplique devient culte aussi parce qu’elle touche notre sensibilité, ou fait remonter en nous le souvenir d’un regard, d’une pression de main. Qu’elle soit dramatique comme celle de Rhett Butler dans Autant en emporte le vent (« Je vous aime, Scarlett. Malgré vous, malgré moi, et le monde qui s’écroule, je vous aime. »), spontanée comme dans Coup de foudre à Noting Hill ( « Je peux rester pour un moment? – Tu peux rester pour toujours ! ») ou inattendue comme la réponse de Han Solo à Leia dans Star Wars («Je vous aime ! – Je sais. »), la déclaration d’amour au cinéma nous a tous déjà fait lâcher une petite larme. En parlant d’émotion au cinéma, on a tous cette réplique qui nous fait vibrer, fait monter notre adrénaline et nous fait frissonner, celle qui vient de notre bible, notre film fétiche qu’on a vu tant de fois. La mienne par exemple, c’est le discours du roi Théoden pour galvaniser ses 6000 cavaliers, dans le Seigneur des anneaux III, juste avant une charge épique ; à laquelle j’ajoute le cinglant « Nous sommes des spartiates ! » du roi Leonidas à un messager perse avant de lui asséner un violent coup de pied dans 300.
On a aussi la réplique cliché, stéréotypée, qu’on identifie forcément à un type de film. Les gros bras comme Stallone, Bruce Willis ou Schwarzenegger lancent des répliques qui tuent à tout va, des répliques qu’on ne trouve que dans les films d’actions américains : « Qui êtes-vous? – Ton pire cauchemar », envoie Rambo au méchant dans le troisième épisode de la saga.
Il y a la réplique qui dévoile la vérité, le twist final, dont aucun exemple n’est plus célèbre que « Je suis ton père. » ; et qui laisse échapper un cri d’étonnement. Il y a la réplique non-prévue au scénario mais que le réalisateur garde parce que l’acteur a été convaincant, comme à peu près toutes les phrases prononcées par le sergent instructeur tyrannique de Full Metal Jacket.
Immédiatement associée à un film ou à un personnage lorsqu’elle est prononcée, la réplique leitmotiv est la phrase qui revient sans cesse au cours d’un film ou d’une saga : « Nom de Zeus ! », répète constamment le docteur Emett Brown dans Retour vers le Futur. Et « Mon nom est Bond, James Bond » , ça vous parle ?
Une réplique culte peut ouvrir un film ou le clore. Dans le film Lord of War, on trouve les deux : « On estime à environ 550 millions le nombre d’armes à feu actuellement en circulation, autrement dit, il y a 1 homme sur 12 qui est armé sur cette planète. La seule question c’est : Comment armer les 11 autres ? », cette réplique nous annonce qu’on a affaire à une histoire excitante, qui se termine en nous laissant pantois sur : « Les cinq plus gros marchands d’armes au monde sont les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne… Les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU … ». Cette dernière réplique, qui répond à la première, peut s’apparenter à un message politique et donne à réfléchir au spectateur. Car une réplique n’est pas juste une phrase prononcée pour faire avancer le récit, elle peut également être le reflet d’une pensée, renvoyer en quelques secondes à des sensations ou des images, celles de l’horreur de la guerre du Vietnam par exemple, avec un Robert Duvall froid et cynique dans Apocalypse Now : « J’adore l’odeur du napalm le matin … »
Si les répliques de films américains sont fameuses dans le monde entier, bénéficiant d’une large diffusion, beaucoup de répliques ne sont célèbres qu’à l’intérieur de leurs frontières linguistiques. Par conséquent, il est intéressant de voir comment les répliques sont traduites d’une langue à l’autre : saviez- vous que la fameuse réplique d’Omar Sy « Pas de bras, pas de chocolats » dans Intouchables a été traduite en anglais par un charmant « No handy, no candy » : la rime est conservée grâce au travail des voxographes. Toutefois, la réplique sonne généralement mieux dans sa langue d’origine, quoi qu’on en dise : le Jack Nicholson VO qui a perdu les pédales criant « Heeeeeere’s Johny ! » demeure bien plus effrayant que le Jack Nicholson VF et son « Coucou chérie ! » dans Shining.
Ne peut-on pas dire, pour terminer, que la consécration pour une réplique culte, est de devenir une réplique culte à l’intérieur d’un autre film : la réplique de Vinz s’adressant à son miroir « C’est à moi qu’tu parles ?? », dans La Haine, est directement tirée du film Taxi Driver, sorti 19 ans plus tôt en 1976. De même, l’histoire du mec qui tombe du cinquantième étage, toujours dans La Haine, est d’abord racontée dans Les Sept Mercenaires, en 1960. En revanche, personne n’ignore la source de cette fulgurante réplique de Toy Story 2 : « Je suis ton père », qui reste, dans L’Empire contre-attaque, l’une des répliques les plus cultissimes du septième art, peut-être même LA réplique de toutes les répliques cultes.
Il y aurait encore tant de choses à dire sur ce sujet et les cinéphiles me pardonneront de n’avoir pas cité certaines répliques essentielles. Cet article n’est pas parfait… « Well… Nobody’s perfect ! » (Certains l’aiment chaud).