Tess Noonan ∣ Call Me by Your Name est un film qui colle a la peau, comme la sueur en été, comme les gouttes d’une pêche trop juteuse, comme le souvenir d’un amour passionnel, d’un désir brulant…
C’est donc l’histoire d’une passion qui unit Elio, adolescent brillant de 17 ans, fils d’un archéologue américain et d’une mère traductrice franco-italienne, et Oliver, étudiant américain de 24 ans qui vient séjourner six semaines chez la famille d’Elio pour assister le dit-père archéologue dans ses recherches. Le film se déroule dans la villa familiale, au nord de l’Italie, en été. On n’aurait pu imaginer l’histoire se dérouler autre part, autrement, car l’été amène avec lui son insouciance, sa chaleur. Les journées se languissent, les corps se délestent, et Elio et Oliver laissent peu à peu libre cours à leur désir en transgressant tout ce qui peut entraver leur union : la bien-pensance, l’arrogance, la rivalité intellectuelle.
Car si c’est un film avec des personnages cultivés et cérébraux à la pléthore de références, c’est avant tout un film qui marque et bouscule par sa force charnelle et érotique, et qui irrigue le sentiment amoureux. Ainsi, si au début du film Elio fait son entrée comme un adolescent précoce, sûr de lui et arrogant, il devient de plus en plus déstabilisé par la venue d’Oliver. Sa démarche change, elle est moins assurée, plus incertaine. Son rapport à son corps évolue aussi, se laissant dominer par le sentiment amoureux, son désir, et toutes ces sensations nouvelles que cela induit. C’est un film sur la découverte de soi à travers l’autre. Elio s’abandonne à ce qu’il ne connaît pas.
«Is there anything you don’t know ? » (Y’a t il une chose que tu ne sais pas ?) demande Oliver à Elio, après une anecdote érudite de celui-ci sur la première guerre mondiale, « I know nothing Oliver » (Je ne sais rien Oliver) lui répond Elio, avant de renchérir « if you only knew how little I know about the things that matter » (si tu savais à quel point j’en sais peu sur les choses qui comptent). Le motif du savoir est donc utilisé pour donner corps à leur passion qui, justement, échappe à ce qu’ils connaissent, à leur capacité à communiquer et à se dire les choses verbalement. Leur passion s’exprime autrement, elle n’est pas figée, à l’instar des statues qui font l’objet des recherches d’Oliver, ou des multiples livres qui trônent dans la demeure familiale.
L’expérience du film est donc très viscérale. Les tons bleus, jaunes, verts de cette campagne italienne subliment et érotisent l’image, donnant de la substance à cette passion. C’est un film où tout est plastiquement beau, et Elio et Oliver sont comme les pièces maitresse de cette beauté, et de la sensualité qui en découle.
Comme l’indique le titre de la chanson phare du film Mystery of love de Sufjan Stevens, le mystère de l’amour est le cœur battant du film, ainsi que les transformations que cela amène. Call Me by Your Name, est donc un récit de formation, d’apprentissage pour Elio. Il suffit de voir son visage à la fin du film, remplit de larmes, un visage absolument saisi par la tristesse et par le souvenir d’un premier amour bouleversant. On sait alors que le jeune homme sera marqué à vie par cet été. Son père lui conseille de se laisser traverser par ses émotions, la tristesse, la peine. Parce que c’est ça grandir, après tout.