Camille Belot | Après l’immense déception provoqué par Valérian et la cité des milles planètes de Luc Besson (bon ok, chacun son avis), le nouveau long-métrage de son homologue québécois pourrait-on dire, était attendu avec une impatience de gamin insatisfait ! Juré, ce n’est pas une critique de dire cela ! Je voulais vraiment le voir Blade Runner 2049 ! La bande annonce était extraordinaire, et j’accordais à Denis Villeneuve la même confiance qu’à Luc Besson : oui j’aime Léon, j’aime Arthur et les minimoys, j’aime Arrival.
Alors que le film original de Ridley Scott est un grand classique de la science-fiction que j’affectionne énormément, je n’ai vraiment pas été transportée par cette suite. Même si oui, visuellement, c’est tout à fait incroyable : Villeneuve agence les couleurs, les textures et les lumières à la perfection et je peux même dire que certains plans sont à tomber par terre ! Ce gars sait faire du cinéma, c’est indéniable. Blade Runner 2049 a un aspect envoûtant et fascinant ! Ajouté à cela la bande son et ce nouveau film est assurément une proposition artistique spectaculaire.
Je suis d’ailleurs de ces gens qui pensent qu’un film peut être « juste » beau : je crois en la beauté du geste. Mais dans ce cas, tu n’appelles pas ton film Blade Runner !!! Déjà, si l’on reste dans la perspective de l’expérience purement esthétique, on est plus proche de l’univers plastique de Mad Max, Fury Road ou du dernier Star Wars que du Blade Runner original. Parce que Ridley Scott aussi proposait un univers à couper le souffle : un décor sombre ultra-urbain surchargé d’écrans où il pleut en permanence sur une foule qui grouille entre d’immenses buildings et des vaisseaux du futur. On se perdait dans cette fourmilière futuriste qui devenait le véritable personnage principal de l’intrigue – parce que quoi de mieux que ce décor pour nous interroger sur l’artificialité des choses ? Et il est là tout le génie de Blade Runner : la question de l’humanité !
Denis Villeneuve tombe ainsi dans le même écueil que J.J. Abrams : faire de jolies suites. Oui c’est beau ce que vous faites les gars, mais où est l’essence profonde du film ? Le premier Blade Runner a fait couler beaucoup d’encre car il laisse le spectateur dans une certaine ambiguïté, et c’est sans aucun doute la séquence finale qui élève ce film au rang de chef d’oeuvre. Alors que l’on croyait voir les gentils blade runners tenter de détruire les méchants répliquants, on voit bien que les choses sont beaucoup plus compliquées que cela : des répliquants cachés parmi les humains qui développent des comportements et des sentiments de plus en plus proches des nôtres pour poser cette question fondamentale de savoir ce qui fait notre humanité ! Ce long métrage est ainsi un système complexe où tous les éléments (l’intrigue, les personnages, le décors, la lumière …) construisent cette dichotomie humanité/artificialité. Et heureusement, le film ne donne pas de réponse à ces questions ! On pourrait en parler des heures. Et puis boum ! Trente ans après ! Deuxième tournée de répliquants, un nouveau créateur cette fois si diabolique (et forcément beaucoup moins intéressant que le premier), une nouvelle enquête pour un blade runner nouvelle génération ! On reprend les mêmes et on recommence ? Non. On essaie de réorganiser cela … et c’est là que je considère ce film comme un échec. Même si cette intrigue autour du miracle de la vie, qui pose effectivement des questions intéressantes, semble pleine d’idées, elle est noyée dans un flot de belles lumières, de placements de produits pour Sony ou Peugeot et de plans filmés en longue focale ! Parce que ces questions philosophiques ne semblent pas intéresser Denis Villeneuve ou bien son spectateur : ce qu’on veut c’est du spectacle ! Et l’intrigue devient plate. Alors que Blade Runner gardait un certain éloignement avec son personnage principal pour construire en filigrane une âme à ses robots, nous voilà maintenant focalisé sur la belle gueule de Ryan Gosling qui est peut être plus qu’un répliquant 2.0. Et bien sur, le film nous prouve que oui : oui K, même si tu n’est pas le petit messie des robots, tu parviens quand même à une certaine forme d’humanité puisque tu es capable de mentir (mais ça c’est pas bien) et donc de faire tes propres choix avec tes sentiments et non un raisonnement artificiel (et ça c’est bien) ! Et c’est ainsi que le film prend le parti de l’émotionnel à la sauce américaine car il ne fait plus confiance à son spectateur pour construire du sens : regarde des belles images et laisse toi porter ! Bien sûr ce psychédélisme fait planer, et il est aussi en parfait contraste avec l’ambiance de film noir de l’original : alors on peut essayer de se convaincre que c’est quand même possible parce que c’est trente ans après et tout a beaucoup changé depuis le grand black out (une facilité scénaristique, tu crois ?) ou bien juste penser que Blade Runner 2049 est un grand film avec un mauvais titre !
D’ailleurs, est ce qu’on en parle de ça ? Non mais pourquoi tout le monde veut être le fils d’Harrison Ford – qui semble d’ailleurs lassé de jouer « le gars des come back » ? Alors heureusement, le film ne va pas au bout de ce délire, mais quand même : utiliser ce topos du cinéma – à la fois cultissime mais aussi vu et revu – pour amorcer un pseudo-twist final, est ce que ce n’est pas un peu facile ? Entre la running joke ironique et le clin d’oeil cinéphile gros comme une maison, le syndrome du « je suis ton père » apparaît comme un gimmick révélateur d’un cinéma post-moderne, un cinéma qui se renouvelle plastiquement mais qui se repose sur des redondances scénaristiques qu’il n’est pas capable d’améliorer. A croire que l’on n’arrive plus à raconter de grandes histoires ! Et c’est vraiment dommage. Denis Villeneuve propose un film de slow action éblouissant, loin des formules des blockbusters, en se laissant le temps de la contemplation comme pouvait le faire Stanley Kubrick (et ça c’est du compliment !) sauf qu’il tombe dans son propre piège à rester trop longtemps à se regarder et ne parvient pas, selon moi, à combler un scénario déficient en sens. Alors que Blade Runner relevait du génie, Blade Runner 2049 est plutôt le symptôme d’une nouvelle génération de films prétentieux qui fabrique du grand spectacle et qui invoque, lorsqu’il est en panne d’inspiration, des références intertextuelles pour se rendre intelligent !
Une grande suite qui a besoin de temps pour être évaluée à sa juste valeur, à savoir le chef d’oeuvre ! Denis Villeneuve a toujours souligné le fait qu’il souhaitait faire de ce film un prolongement du film culte de Ridley Scott, une ambition sans être prétentieux.